Lancé discrètement durant l'été, Ouishare.net est un nouveau média entièrement dédié à l’économie du partage
et de la collaboration. Fruit d’une réflexion intense menée par le
collectif qui soutient le projet depuis la fin de l’année 2011, il a
pour ambition de valoriser l’ensemble des initiatives innovantes qui
fourmillent dans le secteur.
Derrière ce site, on trouve des jeunes de la fameuse génération Y,
mais surtout une communauté internationale hyper-active
d’entrepreneurs, designers, penseurs et acteurs de l’économie de demain.
Antonin, Edwin, Stan, Flore, Ben, Rachel, Simone et Albert incarnent à
merveille le mouvement: ces forces motrices de OuiShare sont âgées de 22
à 35 ans et croient dur comme fer à cette économie collaborative.
ça commence dans la cour de récrée...
"A 5 ans, mes parents se sont séparés. Depuis, je n'ai pas arrêté de partager", lance en rigolant Antonin, à l’origine de cette "communauté media et événementielle européenne de l'économie collaborative" comme il aime le dire.
Rachel et Benjamin aussi avouent avoir commencé tôt
avec leur goûter ou leurs jouets dans la cour de récrée, mais sans que
cela ne les ait jamais quitté. Car au quotidien, quand on est membre de
OuiShare, on couchsurfe (partage de canapé quand on voyage), on colunche, on covoiture, roule en vélo ou auto partagé, on pratique le troc, la récup et "on essaye même de travailler de manière collaborative que ce soit au niveau des outils utilisés ou de l'approche managériale"
me confie Rachel, ingénieur environnement passionnée par les systèmes
de partage qui se développent autour de la nourriture (type AMAP, Ruche qui dit oui ! mais aussi Disco Soup ou autre type d'initiatives).
Flore, qui a longtemps travaillé au CNIDD sur la question des déchets, cultive le sens de la formule pour expliquer à quel point "l’économie du partage est une aubaine pour cesser le gaspillage : nos ressources sont rares, partageons-les !".
Comme les autres, elle participe activement à la structuration du
mouvement et de la communauté mais s’intéresse tout particulièrement aux
impacts environnementaux et sociaux du développement de l'économie
collaborative. Ses articles relatent les rencontres organisées par le
réseau, et elle se préoccupe d’assurer la traduction du contenu en
anglais ou espagnol, car Ouishare se veut international.
...et ça finit par dire stop aux excès du capitalisme
L’espagnol Albert et l’italien Simone sont d'ailleurs deux des principaux connecteurs de la communauté. A Barcelone, dans un pays très en crise s’il en est, Albert est persuadé que les alternatives sont nombreuses : "nous
avons vécu dans une société inefficiente pendant plusieurs décennies,
nous ne devons pas être tendres vis-à-vis de cette inefficience dans la
consommation, la production, la finance, etc." Pour lui, la
consommation "à la papa" et l’accès à la propriété ne répondent qu’à un
objectif limité (vivre confortablement). Avec l’économie collaborative,
les possibilités sont plus grandes et les priorités différentes : il
n'est plus nécessaire d’accumuler autant d’argent, de produire et
générer autant de déchets, on peut faire autrement, avoir plus de liens
et répondre à tout autant de besoins… avec les biens des autres.
Simone lui, en témoigne un récent article, est passionné par les concepts et les solutions qui se développent sous nos yeux actuellement : "la
collaboration n’est pas un autre modèle économique, cette NOUVELLE
économie a besoin de NOUVELLES pratiques et ne peut pas fonctionner dans
le même logiciel de pensée que celui qui domine le système actuel". Avec Stan, le co-éditeur chef de OuiShare, ils s’interrogent sans cesse sur l’état de la société : "Pourquoi
les questions d’inégalités, de durabilité et de consommation de
ressources ne sont-elles pas encore considérées à leur juste
valeur ? Les Etats-Unis autant que la Chine, l'Allemagne, la France et
le Japon sont tous au bord d'un effondrement systémique !"
Le retour d’une économie du lien ?
Antonin estime d’ailleurs que l’économie collaborative n’en est qu’à ses prémices : "elle représente une formidable opportunité pour inventer un nouveau modèle de société mettant l’humain au centre." Mais ce "nouveau" monde en marche n'a en fait rien de nouveau précise-t-il, "la parenthèse d'économie de l'accumulation soutenue par une 'consommation ostentatoire' entamée il y a 50 ans touche à sa fin. L'économie du lien est de retour, souhaitons-lui la bienvenue." Pour Stan, il s’agit surtout de "redonner
le pouvoir aux individus et la tendance, lourde, s’observe d’ores et
déjà : on passe de la concurrence généralisée à la coopération à tous
les étages".
Benjamin, pour sa part, n'a pas peur de l'effet de mode.
Si cet engouement pour l'économie collaborative est une bulle, c'est
même plutôt bon signe - signe que notre modèle économique actuel arrive à
bout de souffle: d'ailleurs, "si une bulle capitalistique venait à
se former autour des plateformes de partage (c'est tout à fait
possible), cela ne ferait que renforcer mes convictions dans le fait que
ces initiatives sont cruciales et nécessaires - même si elle ne sont
qu'un premier pas vers une économie collaborative et un mode de
production P2P (pair à pair) centré sur les commons" affirme cet ancien consultant désormais pleinement investi sur Ouishare.
Une approche réaliste
Pour distiller les grands préceptes de cette économie et convaincre leurs pairs
que leurs propos ne relèvent pas d’une utopie que certains pourraient
rapidement assimiler au communisme ou autre lubie alter-écolo, ils
veillent, partagent la moindre info et organisent de nombreux événements en France et à l’étranger. Pour Edwin, les choses sont claires: "des solutions existent il faut juste leurs donner un peu de visibilité".
Leur conseil pour vous donner envie d'essayer ? "Ne pas avoir peur de se jeter à l'eau et tester a première fois avec un ami si cela peut aider"
recommande Rachel. Si Flore estime qu'il faut commencer par quelque
chose de simple (comme le covoiturage ou le don d'objet), elle se
demande aussi "s'il n'est pas plus facile de commencer par donner/proposer que par recevoir...?" Edwin se veut rassurant sur les prestataires: "les plateformes sont de plus en plus sécurisées : dès la première utilisation, vous ne trouverez que des avantages."
Ils vous assurent aussi que passer ses vacances en couchsurfing ou
utiliser un site de location de logement entre particuliers est
addictif.
En attendant, Benjamin invite tous ceux qui le souhaitent à venir à un "Ouishare Drink" ou autre rencontre du réseau.
L'occasion de comprendre à quel point les réflexions en cours sont
nombreuses : quel rôle doit jouer l'Etat devant le développement de
l'économie collaborative ? Comment promouvoir plus largement sa logique
et contourner les problématiques juridiques ? Quelles seront les
conséquences sur les modèles productifs de demain ?
Bref, on ne chôme pas chez Ouishare, il y a de l'énergie à partager !