L'association Générations Futures pointe du doigt la décision des
services de l'Etat de relever le taux de tolérance en pesticides dans
l'eau du robinet.
"C'était complètement passé inaperçu. J'ai moi-même été alerté par des
gens de Seine-et-Marne étonnés de ne plus entendre parler de
restrictions d'eau..." François Veillerette, président de l'association Générations Futures,
par ailleurs vice-président de la région Picardie en charge des
questions d'environnement, d'alimentation et de santé, n'en revenait pas
lui même.
Militant écologiste en pointe sur la question des pesticides, l'homme
découvrait que les quantités de pesticides dans l'eau avaient été
"multipliées par 5" ! Une décision prise dès 2010 par le ministère de la
santé, validée dans le bulletin officiel il y a déjà un an, dans
l'indifférence générale. Un principe pour lui inadmissible.
SudOuest.fr : Comment avez-vous découvert cette modification de la réglementation ?
François Veillerette. Il s'agit d'une instruction
ministérielle, qui n'a pas rencontré un écho considérable. Elle a été
légalisée par sa publication au bulletin officiel. J'ai été alerté par
des particuliers de Seine-et-Marne. Ils avaient toujours eu des
problèmes de qualité de l'eau. Et là, d'un coup, on leur disait "tout va
bien". J'ai pris le temps de regarder autour de moi. Mais tout le monde
semblait être passé à côté.
En quoi consiste la nouvelle réglementation ?
Il existe une directive européenne qui fixe une limite. Au-delà de 0.10
microgramme par litre pour une substance pesticide individuelle ou de
0,50 microgramme par litre pour le total des pesticides quantifiés, la
limite de qualité était dépassée. Malgré tout, cette directive n'empêche
pas les Etats de distribuer de l'eau dont les taux sont supérieurs. Et
de fixer des taux d'alerte supérieurs.
En France, il existe une notion de "valeur maximum" ou VMax, qui était,
souvent, déjà supérieure au taux fixé par l'UE. Un avis du Conseil
supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) prévoyait cependant que
l'eau ne devait pas être utilisée ni pour la boisson ni pour la
préparation des aliments si un pesticide s'y trouvait dans une
concentration équivalente à 20 % de cette VMax. Nous étions clairement
dans le principe de précaution. En faisant sauter ce verrou, et en
autorisant une concentration équivalente à la VMax, on passe dans
l'évaluation du risque.
Quelle en est la justification ?
Le discours est à la validation de valeurs calculées par des organismes
internationaux, de l'Union européenne ou d'ailleurs, ce qui permet
d'établir une valeur toxicologique de référence, en faisant la part de
ce qui est consommé. Cette démarche ne tient cependant pas compte de
différents faits. Certaines expériences menées sur des animaux montre
qu'avec 0,1 microgramme d'atrazine, concentration jugée conforme, il y a
déjà des effets sur le système endocrinien. Et ces effets en sont pas
maîtrisés dans le temps.
Il est assez étonnant, par ailleurs, que l'on tolère de telles
concentrations. Nous sommes loin de ce qui existe dans l'alimentation,
et qui est par ailleurs déjà très critiqué. Et la part de l'eau dans
l'alimentation est de 10 % ! L'exposition comporte toujours des
risques.
Quels sont ces risques ?
Ce n'est pas la dose qui fait le poison. Certains pesticides ont un
effet quoiqu'il arrive, surtout sur des populations à risques. Les
femmes enceintes et les jeunes enfants sont les plus vulnérables. Les
études présentées ne prennent pas en compte l'impact endocrinien sur le
foetus. Surtout pour une exposition dès le premier mois de grossesse. Il
faut en outre considérer que nous ne sommes jamais exposé à un seul
polluant. Cette décision, qui détermine un à un les taux admissibles de
polluants, ne va pas dans le bon sens. Elle est même incohérente. Il est
clairement admis, dans le milieu de la recherche, y compris à l'Anses,
que le défi à venir est celui des "cocktails".
Pour vous, il ne s'agit donc que d'un trompe-l'œil ?
Clairement. Ce changement de législation a pour conséquence une baisse
mécanique mais artificielle du nombre de personnes concernées par les
problèmes de pollution de l'eau potable. Il ne reste aujourd'hui que
quelques cas en Picardie et en Champagne Ardennes, et dans le Sud, en
Aveyron et en Midi-Pyrénées. Cette population de personnes exposées à
une présence excessive de pesticides est ainsi tombée de 34 300
personnes en 2009 à 89 939 dans le bilan de la qualité des eaux en
2010. Cela règle le problème des préfets avec l'eau, mais cela
n'améliore pas la situation.
Une instruction controversée
L'instruction rédigée en décembre 2010 explique qu'"après un rappel des
modalités du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation
humaine et des mesures de prévention des risques sanitaires liés aux
pesticides", il était défini "de nouvelles modalités de gestion des situations de dépassement des limites de qualité pour les pesticides dans l'eau du robinet, tenant compte des dernières évaluations des risques sanitaires menées par l'Agence sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail" (Anses)
"Certains études font état que les pesticides peuvent être à l'origine
de cancers, d'effets neuro-toxiques et d'effets sur la reproduction
(baisse de fertilité)", note le rédacteur de l'instruction. "Toutefois, aucune étude n'est encore aujourd'hui disponibles sur les risques pouvant être liés à
la consommation d'eau non conforme à des concentrations telles que
celles observées en France. Il convient également de rappeler que la
source principale de l'exposition aux pesticides par ingestion est
l'alimentation."
Source : http://www.sudouest.fr/2012/03/02/pesticides-dans-l-eau-potable-les-femmes-enceintes-et-les-enfants-sont-les-plus-vulnerables-648551-4696.php