En évoquant de possibles réquisitions, la
ministre du Logement abonde dans le sens des associations, mais ne
convainc pas les plus sceptiques.
[Mise à jour du 28 novembre 2012: le préfet de Paris et d'Ile-de-France Daniel Canepa annonce avoir recensé une soixantaine d'immeubles appartenant à des personnes morales susceptibles d'être réquisitionnés pour faire face à la pénurie de logements. "Si au cœur de l'hiver, aucune solution pour des familles qui demandent un hébergement d'urgence n'était trouvée, le préfet réquisitionnera un bâtiment appartenant à une institution publique ou à une entreprise afin de mettre tout le monde à l'abri", a précisé la préfecture.]
Samedi 27 octobre 2012, la ministre du Logement Cécile Duflot n'a pas caché qu'elle envisageait d'utiliser ce dispositif: "S'il est nécessaire, je ferai appel à l'ensemble des moyens disponibles, la réquisition fait partie de cette panoplie", a-t-elle déclaré à la presse.
Des déclarations, mais pas de calendrier
Évoquant "des bâtiments vides depuis des années et qui ne servent à rien, quand des gens, des familles, sont à la rue", Cécile Duflot estime "qu'aucun moyen ne doit être négligé", sans toutefois donner de calendrier ou préciser les méthodes de mise en œuvre des mesures de réquisition.
Elle dit toutefois avoir passé un appel à ses "collègues" pour mettre à disposition des anciens bâtiments de bureaux, anciennes casernes ou hôpitaux inutilisés. Aujourd'hui, l'association Droit au logement (Dal) citant des chiffres de l'Insee, évalue à 2,39 millions le nombre de logements et locaux vacants en 2011.
Un pouvoir de réquisition peu appliqué
Depuis la promulgation de l'ordonnance du 11 octobre 1945, les pouvoirs publics ont la possibilité de réquisitionner des logements à titre "exceptionnel", ou en cas de "crise grave du logement".
Après avoir été utilisée de façon récurrente après la Seconde Guerre mondiale, la mesure a perdu "les faveurs des pouvoirs publics", rappelle la Croix. Sa dernière utilisation emblématique remonte à 1995, quand le président Jacques Chirac avait demandé la réquisition de plus de 800 logements, à la suite de l'occupation par le Dal d'un immeuble rue du Dragon, dans le centre de Paris.
La méthode est toutefois controversée. Ainsi pour Julien Damon, professeur associé à Sciences Po auteur de La Question SDF, la mesure n'a jamais marché. "Il faut dédommager les propriétaires, cela produit un contentieux juridique effroyable, et cela décourage les investisseurs", juge-t-il dans un tchat sur le site du Monde.
Un plan de 50 millions d'euros jugé insuffisant
Pour le Dal, qui plaide aujourd'hui pour la réquisition de 100.000 logements, la déclaration de la ministre a redonné "un peu d'espoir" même si la nouvelle vient "un peu tard car l'hiver arrive", selon Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l'association.
Le collectif Jeudi Noir s'est montré moins optimiste. "Cécile Duflot précise que l’Etat réquisitionnera 'si nécessaire'. En est-on encore à se demander s’il est nécessaire de mobiliser des logements supplémentaires? La ministre peut-elle croire sérieusement que les minuscules 50 millions d'euros supplémentaires annoncés dans le budget suffiront à reloger les 150.000 sans-abri?", fustige-t-il dans une tribune publiée dans l'Humanité.
Un manque d'ambition et de moyens
La ministre du Logement avait en effet dévoilé fin septembre un plan de 50 millions d'euros destiné au logement des sans-abri. Un plan qui se heurte néanmoins à un manque d'ambition et de moyens selon Louis Gallois, le président de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), interrogé par la Croix.
Face au gouvernement qui assure que 15.000 places d'hébergement et de logement seront créées en cinq ans, la Fnars estime qu'il en faudrait 35.000. "Il y a en outre un problème budgétaire: les crédits annoncés par Mme Duflot pour 2013 sont équivalents aux crédits consommés en 2011. Ces places ne sont donc pas financées", juge Louis Gallois.
Source : http://www.youphil.com/fr/article/05838-requisitions-logement-cecile-duflot-dal?ypcli=ano