En octobre dernier, le ministre de la défense israélien s’est résolu à déclassifier
sur injonction judiciaire des documents datant de janvier 2008. Ces
archives concernent la mise en œuvre de l’embargo décidé contre Gaza en
2007, après la prise de contrôle du territoire par le Hamas. Dans ce
cadre, seuls certains produits de première nécessité et l’aide
humanitaire étaient autorisés à entrer dans la bande de Gaza. Intitulés
“Consommation alimentaire dans la Bande de Gaza – Lignes rouges”, ces documents
ont été obtenus grâce à l’acharnement judiciaire de l’organisation
israélienne de défense des droits de l’homme Gisha. Reflétant les
discussions entre les services de sécurité israéliens et le ministère de
la Santé, ils révèlent les exercices auxquels se sont livrées les
autorités pour calculer le plus précisément possible le volume d’aide à
laisser passer afin que la population gazouie ne soit pas victime de
malnutrition.
L’unité
du ministère israélien de la Défense chargée de la coordination des
activités gouvernementales dans les Territoires palestiniens (Cogat)
explique que les recommandations contenues dans ces documents n’ont
jamais été mises en œuvre.
Cependant, il apparaît que les autorités israéliennes ont développé des calculs savants afin de garantir à la population gazouie le minimum nécessaire, ni plus, ni moins, « dans l’intention d’éviter une crise humanitaire ». En l’occurrence, le document tente de déterminer comment fournir 2279 calories par jour en moyenne à chaque habitant de Gaza – des chiffres conformes aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le porte-parole du ministère de la défense le Major Guy Inbar l’explique ainsi : « Une formule mathématique a été mise en place pour identifier les besoins alimentaires et empêcher une crise humanitaire à Gaza ». Entre autres considérations, le document établit la quantité de viande, de farine nécessaire à chacun ; un nombre total de camions y est défini, duquel est soustrait l’équivalent, en nombre de camions, des biens agricoles produits sur place. Rappelons ici que les recommandations sur le seuil de calories nécessaires à un individu porte sur un minimum fixé par l’OMS pour une « vie saine » et n’ont donc jamais été envisagées comme un moyen de limiter la mise à disposition de biens alimentaires.
Cependant, il apparaît que les autorités israéliennes ont développé des calculs savants afin de garantir à la population gazouie le minimum nécessaire, ni plus, ni moins, « dans l’intention d’éviter une crise humanitaire ». En l’occurrence, le document tente de déterminer comment fournir 2279 calories par jour en moyenne à chaque habitant de Gaza – des chiffres conformes aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le porte-parole du ministère de la défense le Major Guy Inbar l’explique ainsi : « Une formule mathématique a été mise en place pour identifier les besoins alimentaires et empêcher une crise humanitaire à Gaza ». Entre autres considérations, le document établit la quantité de viande, de farine nécessaire à chacun ; un nombre total de camions y est défini, duquel est soustrait l’équivalent, en nombre de camions, des biens agricoles produits sur place. Rappelons ici que les recommandations sur le seuil de calories nécessaires à un individu porte sur un minimum fixé par l’OMS pour une « vie saine » et n’ont donc jamais été envisagées comme un moyen de limiter la mise à disposition de biens alimentaires.
Ce n’est pas la première fois que le gouvernement israélien fait état de sa gestion humanitaire du conflit qui l’oppose au Hamas. Dès 2006, Gideon Levy, un journaliste du quotidien israélien Haaretz spécialiste des questions relatives à l’occupation, rapportait une réunion de l’équipe ministérielle chargée de réfléchir aux conséquences de la victoire électorale du Hamas à Gaza et à l’occasion de laquelle la possibilité de mettre en place des mesures de blocus économiques avait été discutée. « C’est comme un rendez-vous chez le diététicien. Les Palestiniens vont maigrir comme il faut mais ils ne mourront pas », illustrait Dov Weissglas, un conseiller du Premier ministre Ehud Olmert. Si l’on en croit Gideon Levy, sa remarque fut accueillie par les rires de l’assemblée.
Quelques années plus tard, le 1er janvier 2009, en réponse à la proposition française d’une « trêve de quarante-huit heures pour motifs humanitaires » lors de l’opération « Plomb durci », Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, expliquait, alors que le bilan faisait déjà état de plus de 400 morts du côté palestinien, que « les camions d’aide passent les points de contrôle » et par conséquent qu’« il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza et […] pas besoin de trêve ».
A la suite des restrictions posées à l’entrée de matériaux de construction et de biens de consommation, la situation économique à l’intérieur de Gaza se détériora significativement : d’après Gisha, entre le deuxième trimestre de 2007 et le deuxième trimestre de 2008, le taux de chômage s’accrut de 73%, la population gazouie bénéficiant de l’aide humanitaire passant pour sa part de 63% en 2006 à 80% en 2007. Gisha note également que d’après ses calculs, le nombre des camions ayant effectivement passé les points de contrôle de la bande de Gaza était au tiers inférieur aux calculs des documents « Lignes rouges ». Pourtant, il semble bien que le versant humanitaire de la politique israélienne à Gaza ait eu pour objectif de limiter les dégâts humains, sans doute afin de ne pas s’exposer aux critiques qui ne manqueraient de tomber sur le gouvernement en cas de surmortalité massive ou de détérioration significative de la situation nutritionnelle de la population.
Après l’épisode de « la flottille de Gaza », le gouvernement israélien fut amené à assouplir les restrictions alimentaires. Pourtant, bien que révélant des pratiques politiques révolues, les documents « Lignes rouges » interrogent sur le rôle joué par l’aide humanitaire à Gaza. En effet, dans ces conditions et du point de vue d’une organisation humanitaire, comment échapper au rôle d’auxiliaire de santé de la puissance occupante ? Dans un document intitulé « Chroniques palestiniennes », cette question était explicitement prise en compte dès 2002 par le président de la section française de MSF: « L’aide humanitaire internationale, qui ne jouait jusqu’à présent qu’un rôle périphérique dans ce conflit, risque de se voir attribuer un rôle d’auxiliaire de gardien de prison au cœur d’un impitoyable système de domination et de ségrégation.»
Ces considérations sont également au cœur du questionnement d’intellectuels de gauche israéliens selon lesquels l’aide humanitaire « suspend la catastrophe » et dégage Israël de son devoir de trouver une issue au conflit. Pour Adi Ophir et Arielle Azoulay intervenant dans un colloque en 2004, « l’intervention [des organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme] est une extension du dispositif du pouvoir, une de ses branches, celle qui est responsable de la “suspension de la catastrophe” et de la création des conditions d’un “désastre chronique”». A l’appui de leur analyse, ils citent un entretien avec deux colonels du COGAT. Répondant à la question de savoir qu’elle serait la conséquence d’un départ des organisations humanitaires de Palestine, les officiers répondent « ensemble, simultanément et de manière répétée, marquant chaque mot comme s’ils chantaient un vers dans un chœur grec : ‘Il n’y aura pas de famine en Palestine, il n’y aura pas de famine en Palestine, Israël ne laissera pas faire ».
Source : http://humanitaire.blogs.liberation.fr/msf/2012/10/gaza-vivre-et-laisser-maigrir.html#more