Six mois jour pour jour après sa nomination
au gouvernement, le ministre délégué au Développement répond aux
questions de Youphil.com.
...les gens connaissent peut-être moins votre travail au ministère. Depuis mai 2012, avez-vous pu prendre vos marques?
J’ai fait plus que prendre mes marques. On a engagé le changement. D’abord, il y a le changement de nom du ministère. Symbolique, certes, mais important. Il met fin au ministère de la Coopération avec toute l’histoire qui était associée à ce ministère. C’est un changement irréversible et je suis heureux d’être le premier ministre du Développement français.
Au-delà du nom, nous changeons les politiques de développement, en intégrant notamment la question de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et la question du développement durable.
Sur la RSE par exemple, on a validé au conseil d’administration de l’Agence française de développement (AFD) d’octobre, le principe selon lequel dorénavant, l’ensemble des appels d’offres de l’AFD aura des clauses sociales et environnementales. Nous sommes en train de le mettre en place concrètement.
Deuxièmement changement: l’AFD, qui, en tant que banque, a un avis financier sur les projets, sur leur risque et leur rentabilité, aura aussi un avis “développement durable” extra financier sur l’ensemble des projets. C’est-à-dire, un avis indépendant de l’avis financier et du service qui instruit le dossier, puisque ce dernier pense spontanément que le dossier est bien puisqu’il l’instruit. L'agence est en train de définir précisément les critères.
Par ailleurs, nous avons modifié les priorités de l’AFD concernant l’énergie. Dans les trois prochaines années, entre cinq et six milliards d’investissement, donc de prêts, par l’AFD vont se faire dans ce secteur. Nous avons adopté comme priorité numéro une, les énergies renouvelables, et comme seconde priorité, l’efficacité énergétique.
La France va donc devenir un acteur dans l’accompagnement vers la transition énergétique et écologique dans les pays du Sud. C’est une orientation politique nouvelle.
Votre actualité du moment, ce sont les Assises du développement et de la solidarité internationale, pour lesquelles vous avez décidé de mettre autour de la table des acteurs de secteurs très différents jusqu’à mars 2013. Qu’en attendez-vous, et quels sont les premiers résultats?
Les Assises étaient un engagement de François Hollande. Cela faisait quinze ans qu’il n’y avait pas eu de grand débat sur notre politique de développement et de politique internationale.
Cela implique de modifier nos analyses et de modifier nos politiques. Il faut le faire de manière concertée. Ensuite, ce sera à nous, responsables politiques, de faire des choix. Ce sera au président de la République qui conclura les Assises début mars, de prendre un certain nombre d’engagements. Mais ils seront adossés à cette concertation.
J’insiste aussi sur la présence de partenaires venant du Sud, car il ne s’agit évidemment pas d’un exercice franco-français, mais d’un exercice partenarial avec les personnes qui représentent la société civile dans les pays où nous intervenons.
Je suis frappé de voir qu’aujourd’hui, la France n’est pas capable de dire combien de vaccins elle contribue à distribuer, combien d’enfants elle scolarise ou combien de malades du sida elle traite… Nous n’avons pas ces chiffres.
Nous ne savons donc pas vraiment quel est l’impact de notre aide. Or, si l'on veut continuer à renforcer sa légitimité vis-à-vis des Français, et vis-à-vis des citoyens du Sud, il faut que cela soit transparent.
Cela fait partie des choses que j’attends des Assises: un, remettre en débat cette politique; deux, progresser sur la transparence et l’analyse qualitative de l’impact; trois, rediscuter les formes de coopération entre les ONG et l’Etat. Il y avait le Haut conseil à la coopération internationale (HCCI) à l’époque, qui ne fonctionne plus.
Le but est–il de réhabiliter un organisme similaire?
C’est ce qui ressortira peut-être des Assises. Aujourd’hui, je n’ai pas de religion sur cette question. Je ne veux pas le dire à l’avance. Ce que je veux, c’est qu’il y ait quelque chose, un système de concertation qui soit davantage formalisé qu’aujourd’hui.
J’ai mis en place des réunions thématiques avec les ONG. Il y a eu la lutte contre le sida, le Sahel, le climat, l’agriculture… Il y en aura une sur le genre en novembre. Mais ce n’est pas suffisant, il faut évidemment formaliser davantage cette concertation, sans tomber, et j’insiste, sur une forme d’usine à gaz qui ne fonctionne pas.
Il faut donc comprendre pourquoi le HCCI n’a pas bien fonctionné. C’est l’un des débouchés potentiels des Assises de savoir comment on se lance dans cette formalisation simple et efficace des relations entre les ONG et l’Etat.
Cette volonté d’inclure des acteurs différents comme le secteur privé, est-ce pour montrer que vous êtes le ministre du Développement et pas seulement de l’aide au développement?
Oui… une grande partie des enjeux de développement dépasse l’aide au développement. La transparence des investissements des entreprises est un sujet déterminant pour créer les conditions du développement dans les pays où sont exploitées les ressources minières sans que les impôts que devrait percevoir légitimement l’Etat ne soit réellement perçus; via un système d’optimisation fiscale qui passe par des territoires quelque fois exotiques, parfois moins.
Cette transparence là est fondamentale, et cela coûte “zéro” au budget de l’Etat. Par conséquent, cela ne figure pas dans l’aide publique au développement. Pourtant, c’est fondamental en terme de développement.
C’est pour cela aussi qu’il y a des débats dans les Assises sur la cohérence entre les politiques de développement et les politiques financières. Par ailleurs, nous mettons également l’accent sur l’innovation.
C’est-à-dire?
L’APD, ce n’est pas simplement des infrastructures, ce n’est pas simplement des aéroports, des routes, des ports en eaux profondes… c’est aussi développer des innovations financières, des innovations technologiques au service du développement.
Par exemple, la micro-assurance. L’un des principaux problèmes des petits paysans en Afrique, c’est la vulnérabilité aux chocs. Si la récolte est un peu moins bonne que prévue, ils n’ont aucun recours financier. Ils subissent le choc frontalement.
Créer des dispositifs de micro-assurance qui permettent de prendre le relais pour leur donner quelques dizaines d’euros qui leur permettent d’amortir le choc et de trouver sur les marchés locaux ce qu’ils n’ont plus en auto-consommation, c’est fondamental.
Pascal Canfin, le 15 novembre 2012, dans son bureau. Crédit: Elodie Vialle
J’ai proposé à des opérateurs comme la Macif d’avancer sur ce chantier. C’est un exemple d’innovation qui peut sortir des Assises. Le microcrédit se déploie, mais la micro-assurance est vraiment en phase de lancement.
Vous parlez beaucoup de transparence, de développement durable. Est-ce que ce sont des élements qui font partie de votre définition personnelle de ce qu'est le développement?
C'est une bonne question que de définir ce qu'est le développement. Voici l'équation du développement -au sens de développement humain- que l'on doit trouver selon moi.
Il y a un peu plus d'un milliard 300 millions d'habitants sur cette planète qui vivent avec moins d'un dollar par jour. Deux milliards de personnes vivent avec moins de deux dollars. Les classes moyennes des pays émergents n'aspirent qu'à une chose, c'est consommer, comme nous. Je ne vois pas au nom de quoi on pourrait leur reprocher cela.
Il faut donc faire en sorte que les pays pauvres, les classes moyennes émergentes et les pays riches trouvent les grands compromis pour satisfaire les besoins de chacun dans un monde aux ressources limitées.
On a une seule planète et tous les indicateurs de cette planète sont au rouge. La biodiversité, le climat, les minerais, l'eau, l'énergie... On a donc cette équation à résoudre. C'est cela, pour moi, l'enjeu de la politique de développement.
C'est pour cela que je suis aussi les négociations climatiques, avec Delphine Batho [NDLR, ministre de l’Ecologie, du Développement durable, et de l’Energie], et que j'étais à Rio.
Le développement, c'est encore une fois pas seulement l'APD, pas seulement les politiques de développement, c'est aussi la capacité à trouver les compromis historiques pour continuer à vivre ensemble.
On sait que si on est dans un monde aux ressources limitées, il y a deux façons de gérer cela: soit on coopère, et on trouve les solutions entre nous, soit on se fait la guerre. C'est pour cela que le GIEC, les scientifiques du climat, ont eu le prix Nobel de la paix. C'est en effet un sujet de conflit potentiel très fort. Une fois qu'il y a conflit, il n'y a plus de développement possible.
Si je dois donner la définition la plus large de ma mission par rapport à ma vision du développement, c'est cela: contribuer à résoudre cette équation.
Revenons sur la définition même du développement. Vous expliquez que 80% de l’effort budgétaire va à l’Afrique (60% pour l’Afrique subsaharienne et 20% pour l’Afrique du Nord et le bassin méditerranéen). Existe-t-il une politique de développement en dehors de l’Afrique?
La question qui nous est posée est souvent inverse. On nous dit: vous oubliez l’Afrique. Or, 80% de l’effort budgétaire français pour le développement va en Afrique, en effet.
Pourquoi l’Afrique est la priorité de notre aide publique? Parce que c’est là que les besoins sont les plus forts. Il est parfaitement légitime d’y être présent. On intervient souvent en Afrique sous forme de dons dans l’éducation, dans la santé. Des domaines qui n’ont pas vocation à créer en soi une valeur que l’on va rembourser.
Mais on se déploie aussi ailleurs dans le monde en utilisant les prêts, qui ne sont pas contradictoires avec les dons, pour favoriser par exemple le développement d’infrastructures, mais qui nous sont ensuite remboursées.
Quelles sont alors vos priorités à l’extérieur de l’Afrique, vos grands dossiers?
Mes priorités ne sont pas géographiques, elles sont d'abord en cohérence avec les enjeux de soutenabilité. Il s’agit de faire en sorte que la totalité de la politique de développement soit compatible, voire un moteur, dans la recherche d’un développement soutenable au sud, ou même des Suds peut-on dire.
Nous avons donc d’abord la volonté d’avoir des grandes lignes directrices sur l’ensemble des façons dont nous intervenons. Même si l’on est présent partout sous des formes différentes pour accompagner cette transition écologique.
Le deuxième élément, c’est la transparence. Le but est de faire en sorte que notre politique de développement n’ait que des effets positifs en terme de pratique, comme la capacité des Etats à récupérer des impôts, ou encore des pratiques des entreprises sur les conditions de travail, etc. Ces points transversaux qui s’appliquent sur l’ensemble des continents.
Il y a la question particulière de la Chine. Aujourd’hui, on y intervient sous forme de prêts, pas de dons, sans coût budgétaire. Au contraire, cela nous rapporte, puisque l’on prête à un certain taux d’intérêt. Certains s’interrogent sur ce que l'on fait en Chine alors qu’elle est l’un de nos concurrents les plus importants sur les marchés.
Mais quand on intervient en Chine, on le fait sur un mandat limité à ce que l'on appelle les “biens publics mondiaux”, essentiellement l’environnement. Quand on intervient pour financer l’amélioration du processus énergétique d’une centrale à charbon, on économise des tonnes de Co2, contribuant ainsi à lutter contre le réchauffement climatique. Je crois donc qu’il est légitime d’être présent là-bas.
Justement, sur l'Afrique, quelles relations entretenez-vous avec les dirigeants africains? Vous incarnez -et c'est votre souhait- une certaine rupture, vous êtes aussi issu d'une autre génération. Comment vivent-ils votre arrivée au gouvernement?
Vous savez la nouvelle génération, elle est aussi en Afrique...
Pas partout...
Oui, pas partout, mais vous savez, c'est comme si vous parliez de "l'Europe". La nouvelle génération en Europe, elle est très diverse. L'Afrique est très diverse aussi.
L'Afrique, c'est aussi le lieu de la mondialisation. Quand vous êtes en Afrique aujourd’hui, vous êtes en concurrence avec des Chinois, des Turcs, des Indiens, des Brésiliens, des gens des pays du Golfe. Autant d'acteurs qui n’étaient pas présents il y a 20 ans, commençaient à peine à être présents il y a 10 ans et le sont vraiment aujourd'hui.
L'Afrique est mondialisée. Par conséquent, la relation avec l'ensemble des sociétés africaines, des chefs d'Etats jusqu'aux entrepreneurs en passant par la société civile et les anciennes puissances coloniales pour faire simple, s'est totalement modifiée ces dix dernières années.
On n'est plus dans l'ère post-coloniale. On est passé à autre chose, et c'est très bien. Cela ne veut pas dire que l'on se retire d'Afrique, ce serait stupide, d'abord parce que les besoins sont là, et parce que c'est notre intérêt d'être présents. Parce que l'on ne va pas laisser les Chinois, les Turcs, etc. travailler uniquement avec l'Afrique.
On voit bien qu'il y a un partenariat stratégique entre l'Europe et l'Afrique à établir. La nouvelle génération d'entrepreneurs, de la société civile, est partout. On voit bien que l'on est sur cette nouvelle vision. Moi, je suis là pour incarner, faire progresser cette vision là, avec ceux qui ont envie de ce nouveau partenariat.
Les Assises du développement et de la solidarité internationale viennent de s’ouvrir. Elles réunissent plusieurs partenaires français et du Sud, avec pour objectif de dresser une feuille de route d’ici mars 2013.
Youphil.com: Les acteurs autour de la table ne manqueront sans doute pas de vous parler du financement de l’aide au développement. L'APD est en effet souvent taxée d'opacité. On ne sait pas vraiment ce qu’il y a derrière. Vous disiez vous-même que le chauffage des centres de rétention est parfois comptabilisé dans ce budget... Comment clarifier tout cela aujourd'hui?
Pascal Canfin: C'est un chantier spécifique des Assises de travailler sur l'amélioration de la transparence de notre aide. Que recouvrent les 0,7% [NDLR, pourcentage du PIB que la France s’est engagé à investir dans l’aide au développement]? On va évidemment en débattre. Mais encore une fois, ce n'est pas moi, aujourd'hui, alors que les Assises viennent de s'ouvrir, qui vais vous dire comment on va reformuler toute cela...
On imagine que vous avez une petite idée quand même...
J'ai peut-être quelques avis sur la question (sourire). Mais ce que je veux, c'est que ce soit concerté, qu'il y ait des recommandations qui ressortent, et qu'ensuite, le président de la République les reprenne à son compte, et qu'on les mette en place, courant 2013. C'est ça, mon objectif. Mais je pense qu'il y a une demande légitime, à la fois des parlementaires, et des ONG, pour qu'on améliore la transparence de ce que l'on met dans l'aide publique au développement.
Vous parlez justement des 0,7%: la France n’atteint pas cet objectif. C'est aussi un des reproches récurrents des ONG. Faut-il laisser tomber ce dogme des 0,7%? Vous dites qu’il faut agir sur d’autres leviers, comme l’argent qui échappe aux pays du Sud dans les paradis fiscaux...
Il faut à la fois faire de ces 0,7% un objectif structurant, mais il ne faut pas non plus en faire l'alpha et l'oméga d'une politique de développement. Nous ne sommes pas aujourd'hui en capacité d’atteindre ce 0,7%, car nous n'avons pas eu, depuis des années, les dispositions budgétaires préalables pour le faire. Mais nous empruntons un chemin crédible vers cet objectif.
Enormément de choses ne figurent pas dans ce 0,7%. La transparence des investissements notamment. La France a réussi à faire bouger les lignes sur ce sujet au niveau européen, en Allemagne, au Royaume-Uni. Nous avons fait le job. Il faut que cela soit porté au crédit du gouvernement bilan, même si ce n'est pas comptabilisé dans le 0,7%!
Par conséquent, cet indicateur ne doit pas être l'alpha et l'oméga de l'évaluation y compris par les ONG de la politique de développement. Ceci dit nous avons fait le choix de ne pas baisser l'effort budgétaire en faveur du développement.
Justement vous dites que vous voulez que le montant de l'aide publique au développement qui transite par les ONG double...
Nous avons fait le choix volontariste dans une période de crise et de réduction budgétaire de ne pas réduire l'effort budgétaire dans le développement, grâce à l'affectation de 10% de la taxe sur les transactions financières françaises [TTF] au développement. Par ailleurs, on fait du lobbying pour qu’une partie significative de la future taxe européenne sur les transactions financières qui verra le jour début 2013 soit affectée au développement.
Dans ce contexte là, on a décidé de doubler l'aide qui passe par les ONG. La France était en retard sur ce sujet par rapport à d'autres pays européens, nous avons engagé le doublement conformément à la promesse de François Hollande dans sa campagne. Nous l'avons fait dès le début du mandat dans le projet de loi de finances 2013, et cela doit s'achever à la fin du quinquennat.
Coordination Sud fait le calcul un peu différemment... Ils disent que ce n'est pas 10% de la taxe sur les transactions financières qui sera allouée à l'aide au développement, mais seulement 3,75%...
Cela ne m'a pas échappé... Il faut distinguer deux choses: les crédits de paiement qui vont monter en puissance chaque année, à 60 millions en 2013, puis 100 et 160 millions d’euros en 2015 et la capacité d’engagement pour l’année prochaine. Sur les trois prochaines années, pour lesquelles nous avons une visibilité budgétaire, il y aura bien 480 millions d’euros, et donc 160 millions d’euros chaque année, en moyenne qui seront engagées en faveur du développement, grâce à la taxe sur les transactions financières.
Une partie de cet argent va alimenter le fonds vert pour le climat qui ne sera effectif qu’en 2014. En moyenne, 10% de la taxe sera donc bien allouée au développement.
On a beaucoup parlé de la nécessité d’évaluer l'efficacité de l’aide. En Haïti par exemple, où vous étiez récemment, la présence des ONG bouleverse l’économie locale... En dehors de ce qui sera décidé au cours de ces Assises, avez-vous déjà des idées sur les manières de mesurer l’impact social des acteurs du développement, qu’il soit positif ou négatif?
Oui, c’est pour cela que je résonne d'abord en termes qualitatifs et non en termes quantitatifs. Je suis tout à fait d'accord avec vous, il faut évaluer l'impact de ce qu'on fait et mettre des milliards d'euros en plus, en soit, ce n'est pas forcément mieux. Tout dépend si c’est utile, efficace, et comment se passe la discussion avec les populations.
On va déjà évaluer les choses avec des indicateurs matériels, ce qu'on ne fait pas pour l’instant. L'étape d'après consistera à dire en quoi l'aide publique au développement est effectivement un levier de développement, en quoi elle peut être nuisible, etc.
Evaluer au-delà de l'impact matériel de ce que l'on fait, c'est un point sur lequel je suis extrêmement attentif et c'est pour cela que j'ai souhaité m'entourer d'un conseil d'analyse des politiques de développement qui sera constitué d'une trentaine de chercheurs. Ils vont justement faire remonter les résultats de leurs d'études qui pourraient montrer que finalement, ce qui est fait par la communauté internationale deuis 10 ans dans tel ou tel domaine n'est pas très efficace ou peut être améliorée.
Est-ce qu'il y a aura des chercheurs du "Sud" justement?
Il y aura de nombreux chercheurs du Sud, bien évidemment. J'annoncerai la composition précise de ce conseil dans quelques semaines. Mais mon principe, c'est que plus de la moitié des personnes seront des chercheurs qui ne seront pas français.
Sur le Mali, comment continuer à y travailler dans le contexte actuel et garantir la sécurité des personnes qui œuvrent au développement du pays?
La reprise de notre coopération civile avec les autorités maliennes de transition est subordonnée à l'adoption par le gouvernement malien d'une feuille de route menant à des élections et à un dialogue nord-sud. Cette étape tarde à se concrétiser. Mais je sais que des ONG, françaises et internationales, sont actives à Bamako et dans le Nord du Mali, où la situation sécuritaire se dégrade rapidement. Je leur recommande de rester en contact étroit avec notre ambassade. Il est exclu d'exposer nos ressortissants à des risques inconsidérés.
Un mot sur un débat très actuel, le gaz de schiste. Faut-il selon vous continuer la recherche sur de nouvelles méthodes d'extraction ou définitivement renoncer au gaz de schiste?
Les écologistes français et européens ont été parmi les premiers, aux côtés de dizaines de milliers de citoyennes et de citoyens, à se mobiliser très fortement contre l'exploitation des gaz de schiste. La position du gouvernement français a été exposé de manière très claire, et à plusieurs reprises, par le président de la République et la ministre de l'Ecologie. Celle-ci ferme la porte à l'exploitation des gaz de schiste par le biais de la technique de la fracturation hydraulique, seule technique disponible aujourd'hui, extrêmement dangereuse pour l'environnement.
En tant qu'écologiste, je suis attaché à la mise en place de ce que l'on appelle la transition énergétique. Elle implique une modification en profondeur de notre modèle énergétique, notamment par une réduction de notre dépendance aux hydrocarbures et au nucléaire, la montée en puissance des énergies renouvelables, mais aussi par la réalisation massive d’économies d’énergie, qui constituent aussi des économies financières pour les ménages.
Cette transition n'est pas une lubie des écologistes, elle est nécessaire pour lutter contre le changement climatique, mais elle est aussi porteuse d’emplois, car l’énergie verte est produite localement et non importée. Le gouvernement travaille à sa mise en place, et je m'en réjouis.
On attend une journée de mobilisation contre l'aéroport à Notre Dame des Landes samedi. En tant qu'écologiste, quelle est votre conviction sur ce sujet?
Personne ne découvre aujourd'hui qu'écologistes et socialistes ont un différend sur la question de l'aéroport Notre Dame des Landes. Ce débat entre nos deux formations politiques est connu depuis de très longues années. En arrivant au gouvernement je ne suis pas devenu subitement favorable à ce projet.
Sur le volet du changement climatique: êtes-vous favorable à la création d'un statut pour les réfugiés climatiques?
Aucune définition de ces réfugiés n’existe, pour l’instant, dans le droit international. Pour autant cela ne veut pas dire que ce type de réfugiés n’existe pas, au contraire. Plutôt que de créer une nouvelle catégorie juridique, il serait préférable de promouvoir et mettre en vigueur les “principes de Nansen” qui stipulent que la communauté internationale est responsable du destin des migrants environnementaux et qu’elle doit les protéger et les traiter dignement.
Une dernière question, plus personnelle. Projetons nous dans quelles années. Quel aura été votre grande réalisation au sein du ministère? Que retiendra-t-on de vous?
Si, lorsque je quitterai cette responsabilité, notre aide publique au développement est plus transparente, plus mesurable, plus efficace, plus compatible avec la recherche du développement durable… alors je pense que mon action n’aura pas été inutile. Même si, devant l’immensité des besoins dans la lutte contre la pauvreté ou contre les pandémies, il faut toujours rester modeste...
Source : http://www.youphil.com/fr/article/05922-pascal-canfin-developpement-gouvernement-aide-eelv?ypcli=ano