jeudi 10 janvier 2013

Les sous-traitants de la torture face aux ex-détenus d’Abou Ghraib

Les soldats américains ayant participé aux tortures de la prison d’Abou Ghraib ont déjà été condamnés. Mais une autre chaîne de responsabilité commence à émerger : celle des « contractors », les sociétés privées qui sous-traitent la guerre américaine en Irak.




Les avocats des anciens détenus d’Abou Ghraib et d’autres prisons irakiennes accusent ces compagnies d’avoir joué un rôle dans les violences physiques, psychologiques et sexuelles dont leurs clients ont été victimes.

En contact permanent avec les soldats pour différentes tâches, les employés des sociétés militaires privées auraient « fermé les yeux volontairement » et gardé le silence sur des crimes, selon les plaintes déposées.

L’un de ces « contractors », Engility Holdings Inc., basé en Virginie, vient de verser 5,28 millions de dollars à 71 ex-prisonniers irakiens dans le cadre d’un accord ; l’une de ses filiales, appelée L-3 Services Inc., était visée par une plainte depuis 2008. Ce prestataire de services a fourni des traducteurs à l’armée américaine en Irak, plus de 6 000 en 2006, pour un contrat de 450 millions de dollars par an.

Deux sociétés privées poursuivies 

C’est la première fois que des anciens détenus touchent une indemnisation de la part d’une compagnie militaire privée. Peut-être pas la dernière cependant : une deuxième entreprise, CACI, devrait être jugée cet été pour les mêmes faits. Elle a fourni des interrogateurs à l’armée américaine.

L’un des avocats des ex-détenus, Baher Azmy, s’est réjoui de cette première avancée :
« Les sociétés militaires privées ont joué un rôle important, mais sous-estimé, dans les pires tortures commises à Abu Ghraib.
Nous sommes satisfaits que cet accord mette l’un d’entre eux face à ses responsabilités et permette que justice soit faite pour les victimes. »
Pour autant, le jugement concerne ici l’entreprise dans son ensemble, et pas ses employés individuellement. Aucun d’entre eux n’a été poursuivi au pénal. Quant à Engility Holdings Inc., elle continue à recevoir des commandes de l’Etat américain.

Qui est responsable ? 

La spécificité anglo-saxonne des « contractors » prend une importance particulière dans ce genre de procès : en dehors des militaires, d’autres acteurs sont présents sur les théâtres de conflit.

Pour compliquer encore un peu la question, les tribunaux hésitent quant au statut à accorder à ces entreprises, qui travaillent main dans la main avec les soldats.
Le gouvernement américain, en tant qu’entité, est à l’abri des poursuites sur des faits commis en zone de combat. Les compagnies privées réclament la même immunité, même si leurs employés, individuellement, pourraient être poursuivis pour des faits précis.
L-3 Services Inc. a ainsi fait valoir qu’un procès irait contre la jurisprudence :
« Aucun tribunal américain n’a jamais autorisé des étrangers – détenus dans une zone de combat, d’opération militaire ou d’occupation – à demander des dommages et intérêts. »

Source : http://www.rue89.com/2013/01/09/les-sous-traitants-de-la-torture-face-aux-ex-detenus-dabou-ghraib-238431