jeudi 29 novembre 2012

Le monde compte pas moins d’un million de révolutions tranquilles

 C’est avec un doux mélange de modestie et d’enthousiasme qu’elle se défend d’avoir réalisé une encyclopédie mondiale des alternatives citoyennes. Pourtant, l’ouvrage de la journaliste Bénédicte Manier (Un million de révolutions tranquilles, paru aux éditions Les Liens qui Libèrent, 324 p.) offre un survol riche et passionnant des actions menées par les pionniers de la transition vers une société plus participative, solidaire et humaine.


Un million de révolutions tranquilles


Lutte contre la faim, habitats coopératifs, microbanques, ateliers de réparation citoyen, financement en autogestion d'emplois ou de fermes bio, échanges de biens, de services et de savoir, etc... tout y est ! Embarquement immédiat.

Une effervescence de terrain

benedicte manier photo jde
Bénédicte Manier - Photo @ jde

Journaliste à l’Agence France Presse (AFP) depuis 1987, Bénédicte Manier
s’est spécialisée au fil des ans sur les questions de développement et de pauvreté des populations. Dans ce livre, elle propose un voyage itinérant au pays des solutions citoyennes appropriées aux enjeux du siècle – de la réhabilitation du réseau des johads (bassins creusés dans la terre pour recueillir les eaux de ruissellement et recharger les nappes phréatiques) au Rajasthan en passant par les réseaux de coopératives de production en Amérique Latine, des exemples de relocalisation des modes de vie aux systèmes de santé citoyen qui existent aux Etats-Unis ou en Belgique.


"Ces révolutions, j’ai l’impression de les connaître depuis toujours, confie-telle. J’ai croisé des quantités de domaines liés au développement local et j’ai profité de mes déplacements personnels pour ne pas passer des vacances idiotes. Je suis donc allée voir sur place ce dont j’ai entendu parler".


L’auteur confirme ainsi son intuition
 : ces initiatives se multiplient partout à l’identique - ou presque - en dépit de leurs domaines d’application très variés (habitat, santé, consommation, etc.) et de leurs conditions de développement, dans les pays industrialisés ou émergents. "Certains de ces mouvements existent depuis trente ans, mais la crise accélère le développement des alternatives", note la journaliste pour qui les inspirations à l’origine de ces révolutions sont également les mêmes où que l'on soit.

"Les citoyens répondent au même désir, et nous avons affaire à une effervescence de terrain qui concerne des millions de personnes dans le monde", explique l'auteur.

Pour elle, ces évolutions ne sont pas marginales : elles se développent au cœur des sociétés et les classes moyennes qui sont au cœur du changement. Et elles posent une question : qu’est-ce qui fait que les gens mettent en place des alternatives identiques sans se connaître ?

Le rôle du politique

Un élément de réponse se trouve peut être dans l'incapacité du monde politique à comprendre réellement la portée ces actions". Les citoyens ne sont pas contents du système dans lequel ils vivent et tracent eux-mêmes les voies du changement, à tel point que leurs dynamiques prennent de vitesse le politique et le secteur privé : "alors que la défense de l’intérêt collectif voudrait que le monde politique soit plus à l’écoute, le système actuel ne répond pas à ses aspirations", regrette Bénédicte Manier pour qui cela signe la fin d’une époque, comme elle me l’a confié dans la pastille sonore suivante:


 
Mais si ces initiatives citoyennes sont possibles, c'est aussi par l’existence d’une démocratie qui garantit la manière dont la société civile peut prendre les choses en main. "Je ne suis pas allée enquêter en Chine ou en Russie, mais je n’y ai pas repéré pour l’instant ce type de dynamique" souligne Bénédicte Manier.

D'ailleurs, ces révolutions ne se font pas contre le politique, mais bien plutôt en parallèle. "Les citoyens qui agissent le font parce qu’il faut le faire. Bien souvent, le pouvoir politique ne les soutient pas car ils croient d’avantage dans les grosses infrastructures de développement, les moyens simples ne sont plus dans leur imaginaire", estime-t-elle tout en soulignant qu'il est possible d'observer de la collaboration et de la bienveillance publique dans certains pays, comme au Brésil ou en Argentine. A Rosario par exemple, la municipalité a recensé les terrains et aménagé 60 hectares de terrains vacants pour y permettre le développement de 800 jardins communautaires qui nourrissent 40 000 habitants (sur les 1,2 millions que compte l'agglomération). Cela a relancé l’économie locale et prouve à quel point le soutien politique peut faire la différence.

Une "réappropriation" du monde

Au fil des pages, on mesure l'ampleur de la réappropriation du pouvoir citoyen. La journaliste explique: "pendant un temps, le citoyen s’est effacé devant le consommateur : on a tout fait pour lui, on lui a amené des supermarchés, du made in China, etc. jusqu’à ce qu’il se rende compte que ce type d’économies a des effets négatifs en terme d’emplois, qu’il engendre une perte de qualité, des crises sanitaires et autres excès".

Le temps est venu du changement par la proximité, le partage et le collaboratif : le succès des AMAP et autres initiatives relevant de la consommation collaborative ne montre-t-il pas qu’il est possible de retrouver une qualité et une transparence? Il est aisé d'agir sur notre environnement immédiat. Le changement concret permet de la réappropriation et l’entrée dans l’ère de la post-mondialisation où les sociétés changent peu à peu leurs valeurs.

Les jeunes entrepreneurs sociaux mènent aussi des projets enthousiasmants: ils ont envie de créer des circuits, des plateformes de distribution de produits bio, des coopératives d’énergie verte, des entreprises de service de proximité – avec une économie tournée vers les besoins des population. Et cette économie est aussi profitable que l’économie traditionnelle, à la différence que ce profit est mis au service d’une logique positive pour la société. A bon entendeur...

A lire également

  • Les conspirateurs positifs sont parmi nous
  • Lionel Astruc, (R)évolutions, pour une politique en Acte, chez Acte Sud Editions (mars 2012)
  • Vincent Tardieu, Vive l'agro-révolution française, chez Belin (août 2012)
  • Vive la CoRévolution, pour une société collaborative, chez Alternatives (mai 2012)
  • Pierre Rabhi, Eloge du génie créateur de la société civile, chez Acte Sud Editions (janvier 2012)
A écouter: le podcast de l'émission C'est pas du vent du 10 novembre sur RFI

Source : http://alternatives.blog.lemonde.fr/2012/11/28/ce-million-de-revolutions-tranquilles/

Après 57 de gestion, le CICR prend sa retraite du SIR…

Le président du CICR, Peter Maurer, sera demain en Allemagne, à Bad Arolsen, au Service International de Recherche (SIR) pour acter la fin de la mission de l'Institution en charge depuis 1955 de la gestion des archives des victimes des persécutions nazies.



 A cette occasion, je vous propose de réécouter l'interview de Jean-Luc Blondel, dernier responsable CICR du SIR, enregistrée il y a tout juste un an pour le blog.

mercredi 28 novembre 2012

Réquisitions de logements: les annonces de Cécile Duflot reçoivent un accueil mitigé

En évoquant de possibles réquisitions, la ministre du Logement abonde dans le sens des associations, mais ne convainc pas les plus sceptiques. 



[Mise à jour du 28 novembre 2012: le préfet de Paris et d'Ile-de-France Daniel Canepa annonce avoir recensé une soixantaine d'immeubles appartenant à des personnes morales susceptibles d'être réquisitionnés pour faire face à la pénurie de logements. "Si au cœur de l'hiver, aucune solution pour des familles qui demandent un hébergement d'urgence n'était trouvée, le préfet réquisitionnera un bâtiment appartenant à une institution publique ou à une entreprise afin de mettre tout le monde à l'abri", a précisé la préfecture.]

Chaque année, à l’approche de l’hiver, les associations alertent les pouvoirs publics sur la nécessité de réquisitionner des logements vides pour les sans-abri. Ces dernières semblent cette fois-ci avoir été entendues.

Samedi 27 octobre 2012, la ministre du Logement Cécile Duflot n'a pas caché qu'elle envisageait d'utiliser ce dispositif: "S'il est nécessaire, je ferai appel à l'ensemble des moyens disponibles, la réquisition fait partie de cette panoplie", a-t-elle déclaré à la presse.
Des déclarations, mais pas de calendrier

Évoquant "des bâtiments vides depuis des années et qui ne servent à rien, quand des gens, des familles, sont à la rue", Cécile Duflot estime "qu'aucun moyen ne doit être négligé", sans toutefois donner de calendrier ou préciser les méthodes de mise en œuvre des mesures de réquisition.

Elle dit toutefois avoir passé un appel à ses "collègues" pour mettre à disposition des anciens bâtiments de bureaux, anciennes casernes ou hôpitaux inutilisés. Aujourd'hui, l'association Droit au logement (Dal) citant des chiffres de l'Insee, évalue à 2,39 millions le nombre de logements et locaux vacants en 2011.

Un pouvoir de réquisition peu appliqué

Depuis la promulgation de l'ordonnance du 11 octobre 1945, les pouvoirs publics ont la possibilité de réquisitionner des logements à titre "exceptionnel", ou en cas de "crise grave du logement". 

Après avoir été utilisée de façon récurrente après la Seconde Guerre mondiale, la mesure a perdu "les faveurs des pouvoirs publics", rappelle la Croix. Sa dernière utilisation emblématique remonte à 1995, quand le président Jacques Chirac avait demandé la réquisition de plus de 800 logements, à la suite de l'occupation par le Dal d'un immeuble rue du Dragon, dans le centre de Paris.
La méthode est toutefois controversée. Ainsi pour Julien Damon, professeur associé à Sciences Po auteur de La Question SDF, la mesure n'a jamais marché. "Il faut dédommager les propriétaires, cela produit un contentieux juridique effroyable, et cela décourage les investisseurs", juge-t-il dans un tchat sur le site du Monde.

Un plan de 50 millions d'euros jugé insuffisant

Pour le Dal, qui plaide aujourd'hui pour la réquisition de 100.000 logements, la déclaration de la ministre a redonné "un peu d'espoir" même si la nouvelle vient "un peu tard car l'hiver arrive", selon Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l'association.
Le collectif Jeudi Noir s'est montré moins optimiste. "Cécile Duflot précise que l’Etat réquisitionnera 'si nécessaire'. En est-on encore à se demander s’il est nécessaire de mobiliser des logements supplémentaires? La ministre peut-elle croire sérieusement que les minuscules 50 millions d'euros supplémentaires annoncés dans le budget suffiront à reloger les 150.000 sans-abri?", fustige-t-il dans une tribune publiée dans l'Humanité.

Un manque d'ambition et de moyens

La ministre du Logement avait en effet dévoilé fin septembre un plan de 50 millions d'euros destiné au logement des sans-abri. Un plan qui se heurte néanmoins à un manque d'ambition et de moyens selon Louis Gallois, le président de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), interrogé par la Croix.

Face au gouvernement qui assure que 15.000 places d'hébergement et de logement seront créées en cinq ans, la Fnars estime qu'il en faudrait 35.000. "Il y a en outre un problème budgétaire: les crédits annoncés par Mme Duflot pour 2013 sont équivalents aux crédits consommés en 2011. Ces places ne sont donc pas financées", juge Louis Gallois.

Source : http://www.youphil.com/fr/article/05838-requisitions-logement-cecile-duflot-dal?ypcli=ano

mardi 27 novembre 2012

"We fight censorship" : RSF lance un "abri anti-censure"

L'ONG ambitionne de "dissuader" les régimes de poursuivre leur censure de la presse en relayant les contenus passés sous silence. 

Le site We fight censorship de RSF (Capture d'écran) 
Reporters sans frontières (RSF) lance, ce mardi 27 novembre, le site We Fight Censorship qui recense des articles censurés ou interdits dans de nombreux pays.
Le site proposera ainsi des articles ayant valu à des journalistes ou des blogueurs des représailles dans leur pays. Les contenus sont sélectionnés par un "comité éditorial", traduits en français et en anglais, et sont accompagnés d'une description du contexte de publication rédigée par l'auteur.

We fight censorship publie, par exemple, la vidéo censurée d'une manifestation contre le président bélarusse Alexandre Loukachenko violemment réprimée à l'été 2011. Le site "est avant tout un outil de dissuasion", explique Christophe Deloire, directeur général de RSF, au "Nouvel Obs". "Il s'agit de dire aux censeurs que désormais chaque article ou publication censurée trouvera un écho encore plus grand."

L'ONG surfe sur "l'effet Streisand" qui veut que, sur le web, plus la volonté de censure d'une information est forte, plus l'information sera diffusée par les internautes. "Priver l'auteur d'un article de sa liberté, saisir des exemplaires d'un journal ou bloquer l'accès à un site de vidéos, n'empêchera pas le contenu lui-même de faire le tour du monde. Au contraire", souligne Christophe Deloire.

We fight censorship s'inscrit dans la démarche de RSF de plaidoyer et de lobbying en matière de liberté de la presse et de l'information.

"Nous ne sommes pas un WikiLeaks bis"

Au-delà de relayer les contenus censurés, le site propose un "kit de survie numérique" qui regroupe des outils pour que les internautes puissent anonymiser leur connexion internet (et ainsi contourner des censures techniques), sécuriser leur connexion ou crypter leurs documents.

Dans cette veine, We fight censorship propose un "coffre-fort numérique" permettant aux internautes d'envoyer à RSF des contenus de manière anonyme et sécurisée pour publication. RSF réfute pourtant toute idée de devenir un nouveau WikiLeaks. "Nous ne sommes pas un WikiLeaks bis", précise Christophe Deloire. "Nous n'avons pas vocation à publier des documents bruts. Avec cet outil de coffre-fort, nous ambitionnons plutôt de publier des documents sur le climat ou sur l'économie d'un pays qui seraient censurés."

Enfin, le site a été conçu pour être aisément "duplicable", c'est-à-dire relayé par des sites miroirs en cas d'attaque informatique ou de censure (filtrage ou blocage).

"Avec We fight censorship, la voix des journalistes qui exercent un rôle de contre-pouvoir ne sera pas éteinte, afin de viser une société plus transparente, plus démocratique", s'enflamme Christophe Deloire.

Chaque année, RSF publie un classement de la liberté de la presse dans le monde, en se basant notamment sur la censure exercée. En début d'année, l'Erythrée, la Corée du Nord, le Turkménistan, la Syrie et l'Iran occupaient les dernières places. La France se classait 38ème au tableau.


Le classement de la liberté de la presse dans le monde (Capture d'écran RSF)

                      Ici une vidéo de 01.net avec le DG de RSF expliquant le projet :

Sources : http://tempsreel.nouvelobs.com/medias/20121126.OBS0518/rsf-lance-un-site-regroupant-tous-les-articles-censures.html
http://www.01net.com/editorial/580899/rsf-lance-un-site-pour-lutter-contre-la-censure/

Réunion d'information et projection de "Toxic Somalia"


lundi 26 novembre 2012

SURVEILLEES – Les maris des Saoudiennes alertés par SMS quand elles quittent le territoire

Jusqu'ici, elles devaient présenter une "feuille jaune" signée de leur "gardien mâle" pour pouvoir voyager. Désormais, un SMS est envoyé au père, époux, frère ou tuteur des Saoudiennes dès que celles-ci quittent le territoire, même accompagnées.


L'information relayée sur Twitter par Mana Al-Chérif, militante saoudienne qui s'est notamment engagée pour que les femmes aient le droit de conduire, lui a été signalée par un couple d'amis sur le point de partir en voyage, raconte le quotidien algérien El Watan. L'homme avait reçu un message des services de l'émigration lui indiquant que sa femme avait "quitté l'aéroport international de Riyad".

Cet épisode a très vite suscité de nombreuses réactions sur Twitter : "les femmes saoudiennes tracées comme du bétail", "les Saoudiennes tracées électroniquement… je vais vomir", ou encore "C'est comme tenir un chien en laisse", pouvaient-on lire ce week-end.

Dans le quotidien Al-Hayat, la journaliste-militante Badriya Al-Bishr a également déploré l'utilisation du "progrès" technologique pour faire subsister des règles "archaïques".
Mais comme se le demandait The Guardian en 2010 déjà : "Vous voulez savoir si votre femme, sœur ou fille a quitté le pays ? En Arabaie saoudite, il y a une appli pour ça." Ce système de cyber-surveillance existe donc bien depuis deux ans mais jusqu'ici, il fallait que le mari demande à en bénéficier.

Selon le blogueur saoudien Ahmed Al-Omran, les alertes se sont imposées à tous en avril 2012, paradoxalement depuis que la législation sur la circulation des Saoudiennes a été allégée. En effet, depuis le mois d'avril, les représentants légaux peuvent choisir de lier un "permis de voyager électronique" au passeport de leur femme, qui n'aura ainsi plus besoin de présenter la fameuse "feuille jaune" à chacun de ses déplacements.

Seulement voilà, pour adhérer au programme, les maris doivent communiquer leur numéro de téléphone portable aux autorités, qui pourront lui envoyer des SMS relatifs aux démarches administratives des personnes à sa charge...

S'ils ne souhaitent pas êtres prévenus des faits et gestes de leurs femmes, les hommes peuvent toujours choisir de revenir à l'ancienne méthode, celle de la "feuille jaune".
"A quand la puce GPS intégrée au voile ?", se demande Algérie focus.

Source : http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/11/26/surveillees-les-maris-des-saoudiennes-alertes-par-sms-quand-elles-quittent-le-territoire/

En Auvergne, l'arrivée de Médecins du monde ne fait pas l'unanimité

Quand Médecins du monde a officiellement annoncé, à la mi-octobre, l'ouverture prochaine d'une mission pour le monde rural en Auvergne, la première du genre en France, nombre d'habitants sont tombés des nues. "On a l'impression d'être vus comme des arriérés, comme si on était au bout du monde !", s'exclame Jean-Pierre Lamartine, retraité de l'éducation nationale et habitant de Menat, petit village du Puy-de-Dôme d'un millier d'habitants. "Les gens n'ont pas compris, ça n'a pas été expliqué", affirme Jean-Pierre Pradier, conseiller municipal dans l'opposition (PS) à Saint-Eloy-les-Mines.
A Menat, le médecin généraliste du village n'a pas été remplacé après son départ en retraite. Depuis, un praticien de Saint-Eloy-les-Mines y officie deux demi-journées par semaine.


C'est dans cette ville de près de 4 000 habitants, située entre Montluçon et Clermont-Ferrand, que Médecins du monde ouvrira en janvier un centre pour les Combrailles, une région à cheval entre l'Allier, la Creuse et le Puy-de-Dôme. Pourquoi ici ? "Il s'agit d'un ancien bassin minier en difficulté, avec un chômage important, de nombreuses personnes âgées et des agriculteurs à la situation financière difficile", justifie Jean-François Corty, directeur des missions France de l'ONG.
Un constat appuyé par une "étude sur l'organisation de l'offre de soin en pays de Combrailles" réalisée en 2010 pour le compte du Syndicat mixte pour l'aménagement et le développement : "De l'avis des professionnels de santé et des travailleurs sociaux, il existe une petite part de population qui renonce à des soins mal remboursés (prothèses dentaires, auditives, etc.) et qui peut renoncer à certaines consultations de spécialistes à cause du coût des transports." 

"TANT QUE ÇA NE FAIT PAS MAL, J'ATTENDS"

Michel, 53 ans, rencontre ces problèmes en permanence. Cet ancien documentariste et professeur de théâtre vivant à Youx, à 5 km de Saint-Eloy-les-Mines, souffre d'une maladie qui l'empêche de travailler depuis quatre ans. "Tant que ça ne fait pas mal, j'attends avant de prendre un rendez-vous", lâche-t-il. Sa pension d'invalidité de 650 euros mensuels l'oblige à compter la moindre dépense. "Une fois les charges fixes déduites, il me reste 180 euros pour les courses et l'essence, alors que je fais un aller-retour à Montluçon tous les quinze jours pour des rendez-vous médicaux, explique-t-il. C'est très difficile pour le dentiste ou l'ophtalmologue, où il faut avancer l'argent. Pour mes lunettes, j'ai beau prendre les montures les moins chères, 90 euros sur mon budget, ça pèse..."
Outre un centre fixe situé à Saint-Eloy-les-Mines, Médecins du monde prévoit également un dispositif mobile qui parcourra les routes des Combrailles à la rencontre des personnes qui hésitent ou ne peuvent plus se déplacer, les frais de transport n'étant pas toujours pris en charge. "Pour aller faire des analyses à Montluçon, depuis deux ans je dois payer les 140 euros de taxi de ma poche !", s'insurge Georges Vivier, un ancien mineur de 91 ans, habitant Menat. Depuis la rentrée, le régime de santé des anciens mineurs a toutefois fait volte-face et reprend désormais en charge ces frais de transport.

"LUTTER CONTRE LA PRÉCARITÉ ET LA DIFFICULTÉ D'ACCÈS AUX SOINS"
Vue de Saint-Eloy-les-Mines, dans le Puy-de-Dôme.
Pour autant, l'arrivée de Médecins du monde ne réglera pas tout, d'autant plus qu'une confusion a entouré l'annonce de l'ONG, avec l'évocation de l'ouverture d'un "cabinet médical". "Il n'y en a pas besoin, nous ne manquons pas de cabinets médicaux !", tonne la maire UMP de Saint-Eloy-les-Mines, Marie-Thérèse Sikora. Mais Médecins du monde assure ne pas vouloir se "substituer aux médecins présents sur place", selon Jean-François Corty. "Notre motivation première n'est pas de lutter contre le désert médical, mais contre la précarité et la difficulté d'accès aux soins, avec un travailleur social qui aidera les personnes dans leurs démarches." Par exemple, en les informant, le cas échéant, de la possibilité de bénéficier d'une aide à la complémentaire. Ce travail se fera en liaison constante avec les associations locales.

Cette mise au point a rassuré les professionnels de santé locaux, qui avaient dénoncé une "vision très 'parisienne'" après l'annonce de Médecins du monde, en octobre. "Nous avons rencontré des représentants [de l'ONG] depuis, raconte le docteur Michel Moraillon, installé à Saint-Eloy-les-Mines depuis 1976. Ils étaient désolés de tout ce remue-ménage. Ils nous ont expliqué que leur travail sera orienté sur le social. Et c'est vrai qu'il y en a besoin, des gens hésitent avant d'aller se faire soigner les dents, de prendre des lunettes. Plus globalement, il y a une injustice entre les cotisants urbains de la sécurité sociale, qui ont beaucoup plus de moyens de transports, et ceux en milieu rural qui cotisent pareil mais qui payent davantage, avec moins de prise en charge des transports."

0,86 GÉNÉRALISTE POUR 1 000 HABITANTS DANS LES COMBRAILLES

La situation est difficile dans les Combrailles, avec une densité de 0,86 médecin généraliste pour 1 000 habitants contre 1,14 pour le Puy-de-Dôme et 1,07 pour l'Auvergne. "Cette densité, déjà en-dessous de la moyenne, ne peut qu'être aggravée dans les années qui viennent, écrivaient en 2010 les consultants. En effet, 21 d'entre eux ont plus de 55 ans (...). Ceci signifie qu'à population constante et sans succession médicale assurée, cette densité passera à 0,73 médecin pour 1 000 habitants d'ici à cinq ans et à 0,41 d'ici à dix ans."

"Il faut utiliser des ruses pour se faire soigner !, déplore Danielle Guérard, retraitée agricole de 65 ans à Menat. On passe par des connaissances pour prendre des rendez-vous, ça peut aider de bien connaître son médecin..." Dans son village, le médecin généraliste du village n'a pas été remplacé après son départ en retraite. Depuis, un praticien de Saint-Eloy-les-Mines y officie deux demi-journées par semaine.

En creux de cette question apparaît celle de la difficulté, par les professionnels de santé en milieu rural, à trouver un remplaçant. "C'est un véritable projet de venir travailler en campagne, témoigne Monique Pallon, pharmacienne de Menat. C'est un rythme moins stressant, les patients sont fidèles, dévoués... et la qualité de vie est meilleure !" Mais les médecins, généralistes ou spécialistes, sont peu nombreux à tenter l'aventure.

Au-delà de la question de la "concurrence" qu'apporterait la présence de Médecins du monde, l'arrivée de cette ONG connue essentiellement pour ses actions à l'international, dans des pays très pauvres ou en guerre, a considérablement "vexé les gens", selon Marie-Thérèse Sikora. Un constat qui n'étonne pas Jean-François Corty. "Notre arrivée n'est pas toujours bien vue, c'est pareil à l'international, assure le directeur des missions France de Médecins du monde. Certaines personnes craignent que l'image de la ville soit altérée."

Mais l'ONG tient aussi à opérer une "démystification" à propos de ses missions. Elle gère une centaine de centres en France, mais ceux-ci accueillent jusqu'à maintenant très majoritairement (à plus de 90 %) des migrants d'origine étrangère. "Il ne faut pas opposer les pauvres avec ou sans papiers", justifie M. Corty à ceux qui s'étonnent de ce revirement. Grâce à l'expérience dans les Combrailles, Médecins du monde entend "devenir force de proposition dans un ou deux ans" sur le sujet des "nouveaux pauvres".

Source : http://www.lemonde.fr/sante/article/2012/11/23/en-auvergne-l-arrivee-de-medecins-du-monde-ne-fait-pas-l-unanimite_1795397_1651302.html

vendredi 23 novembre 2012

L’Afrique se mobilise pour secourir les norvégiens qui meurent de froid

C'est le monde à l'envers. Depuis vendredi 16 novembre dernier, Radi-Aid, Africa for Norway est LA parodie vidéo à ne pas louper sur le net. On y voit des africains se mobiliser pour envoyer de vieux radiateurs en Norvège, où les enfants meurent de froid dans des conditions climatiques atroces liées aux hivers rigoureux.

Africa for Norway

Lancée par des étudiants norvégiens et le Fond Academique d'aide internationale (SAIH), cette campagne de sensibilisation prend à rebrousse poil les collectes de fonds qui reposent sur les clichés misérabilistes et stigmatisants.


LE FROID GLACIAL TUE AUSSI

Dans la vidéo suivante, la satire est plus que réussie : l'angle choisi pour dénoncer les clichés généralement utilisés dans les pays du nord pour venir en aide aux pays du sud donne lieu à un effet miroir à la fois drôle et grinçant.



Comme vous pouvez le voir, tout y est : images chocs, slogans motivants et THE chanson destinée à rallier le plus grand nombre de donateurs. Ainsi que le souligne YouPhil, "Les slogans repris par la fausse chorale Radi-Aid (référence au groupe Band Aid qui venait en aide aux victimes de la famine de 1984 en Ethiopie) sont aussi ridicules qu'hilarants".
Et c'est justement pour casser cette conception quelque peu simpliste que le SAIH a lancé cette vidéo. Le vice-président du fond, Nicklas Søsted Poulsen, détaille l'ambition de la campagne: "la Norvège est, certes, un pays froid, mais la majorité des Norvégiens n'aimeraient pas, à mon avis, que leur pays soit connu uniquement pour cela. Je crois qu'on peut dire qu'il se passe la même chose pour les pays africains. Nous voulons casser les stéréotypes que les gens ont sur l'Afrique".

PARIS RÉUSSI
radi aid

Avec ce site, le SAIH défend quatre idées fondamentales :
  • On peut collecter des fonds sans avoir recours à des stéréotypes (images tristes ou accentuant un trait à l'extrême, au point de fournir une image éloignée de la réalité, voir totalement fausse)
  • Il est nécessaire de délivrer une meilleure information dans les écoles, à la télévision et dans l'ensemble des médias. Pourquoi focaliser l'attention sur les crises, la pauvreté, la famine et le sida? Pourquoi ne pas parler, aussi, de ce qui marche ? Ou communiquer plus largement sur la façon dont les pays du nord entretiennent certaines relations de dépendance... non ?
  • Les médias doivent être plus respectueux et plus éthiques dans la façon dont ils traitent l'information liée aux pays les plus pauvres: se permettent-ils de diffuser des photos de bébés occidentaux souffrant de famine sans l'autorisation des parents ?
  • L'aide doit répondre à de vrais besoin, la "bonne" intention ne suffit pas. Elle doit surtout être apportée en parallèle de processus d'investissement et de coopération.
Vu la vitesse avec laquelle la vidéo se diffuse sur la toile (voir la page Facebook), tout porte à croire que le message est entendu. Qu'attendez-vous maintenant pour aider les Africains à secourir la Norvège!? ;)

+ A lire: "Fundraising et stéréotypes", sur le blog de Barbara Blay

Source : http://alternatives.blog.lemonde.fr/2012/11/23/radi-aid-lafrique-se-mobilise-pour-secourir-les-norvegiens-qui-meurent-de-froid/

Site internet de Radi-Aid : http://www.africafornorway.no/

mercredi 21 novembre 2012

Volontariat, gare aux désillusions

Sauver le monde, on en rêve tous. Mais derrière les mythes du volontariat et de l'utopisme salvateur se cache souvent une réalité complexe. Une analyse pertinente faite par le site internet Youphil, spécialisé dans les thématiques solidaires.





mardi 20 novembre 2012

Drones : des ONG demandent l'interdiction des "robots tueurs"

"Les robots parfaitement autonomes n'existent pas encore, mais les technologies évoluent en se sens, et des dispositifs précurseurs sont déjà utilisés", indique toutefois un rapport publié lundi 19 novembre par Human Rights Watch et la Clinique des droits humains internationaux de la faculté de droit de l'université de Harvard.

Le prototype d'avion de combat Taranis.

Dans sa nouvelle Nouveau modèle, l'écrivain Philip K. Dick décrit une humanité aux prises avec des robots humanoïdes guerriers entièrement autonomes sur le champ de bataille, et la confrontation ne tourne pas à son avantage. Depuis, l'idée de robots tueurs n'a cessé d'être reprise, notamment au cinéma, dans la série des Terminator, récits d'une guerre entre les humains et les machines.

Certaines organisations gouvernementales craignent toutefois que ces scénarios fictifs ne deviennent réalité. 

"UN VIDE JURIDIQUE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ"

Le document a été élaboré après l'audition de plusieurs experts militaires et roboticiens, mais aussi de représentants de la société civile, des philosophes et des avocats spécialisés. La mise en service de machines de guerre – sur terre, dans les airs ou en mer – capables de décider de tuer continue de faire débat. Mais les différents intervenants estiment qu'elles pourraient exister d'ici vingt ou trente ans.
Et si ces armes relèvent pour l'heure de la simple fiction, elle suscitent déjà de nombreux problèmes, d'ordre légal notamment. "Ces armes autonomes ne pourraient pas satisfaire les critères imposés par le droit international humanitaire", indique le rapport.

Selon les experts cités, ces technologies seraient d'ailleurs incapables de discerner, de façon claire, les soldats et les civils. "L'utilisation d'armes complètement autonomes créerait un vide juridique en matière de responsabilité", pointe enfin le rapport. Qui, en effet, pourrait être tenu responsable d'une opération militaire menée avec des drones autonomes ? Le commandant, le programmeur de drones, le constructeur de l'appareil ?

LES SYSTÈMES DE DÉFENSE AUTONOMES EN PLEIN ESSOR
 
Les attaques d'avions sans pilote font désormais partie du quotidien dans les opérations menées contre les talibans, notamment au Pakistan. Plusieurs cibles "de haute valeur", selon les services de renseignement américains, ont été tuées par des appareils comme les Reapers, pilotés manuellement depuis des bases américaines. Selon le site Long War Journal, 117 attaques ont été menées en 2010 par des drones au Pakistan. Plusieurs pays, comme les Etats-Unis, Israël, l'Allemagne et la Russie se sont d'ailleurs lancés dans la course aux drones. D'après la feuille de route établie par l'armée américaine, le Pentagone a déjà dépensé en 2011 près de 7 milliards de dollars (5,5 milliards d'euros) sur l'ensemble des programmes liés aux machines sans pilotes.

Les drones ont souvent des effets contreproductifs en raison des dommages collatéraux élevés, comme le souligne aussi un récent rapport des universités de Stanford et de New York.
Outre les avions sans pilotes, Human Rights Watch et la Clinique des droits humains internationaux voient aussi dans les nouveaux systèmes de défense les germes de systèmes autonomes. "Ces systèmes sont conçus pour anticiper des missiles ou des roquettes, et pour neutraliser la menace." Le système de défense antimissile et antinavire de la Navy, Phalanx CIWS, est l'un des pionniers depuis sa mise en service en 1980. Israël a pour sa part déployé l'"Iron Dome", censé défendre ses frontières contre les attaques à la roquette.

NOUVELLE GÉNÉRATION

Avec les drones de combat, on passe à un stade supérieur dans l'autonomie des systèmes d'armements. Un UCAV (Unmanned Combat Air Vehicle, drone de combat volant) est programmé pour suivre un trajet et atteindre un objectif, mais conduit sa mission avec une grande autonomie, sans intervention humaine.

La France a lancé en 2003 une initiative majeure avec le démonstrateur technologique d'avion de combat furtif non piloté à bord, l'"UCAV-nEUROn". Dassault Aviation est maître d'œuvre de ce projet, en coopération avec la Grèce, l'Italie, l'Espagne, la Suède et la Suisse. Le coût est estimé à 406 millions d'euros. Il devrait faire son premier vol fin novembre, selon l'Etat-major. En France, ces drones pourraient remplacer les avions de combat de 4e génération Rafale. Pour sa part, la Grande-Bretagne a développé le projet Taranis.

Certaines recherches envisagent même des drones de combat pour mener des opérations de bombardements stratégiques, pouvant le cas échéant être nucléaires.

Source : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/11/20/drones-des-ong-demandent-l-interdiction-des-robots-tueurs_1793205_651865.html

Journée mondiale des toilettes: le manque de WC tue encore

Chaque année dans le monde, deux millions d’enfants de moins de cinq ans meurent de la diarrhée. Aujourd’hui encore l’accès à des toilettes est loin d’être assuré dans de nombreuses régions du monde. Près de 2,5 milliards de personnes en sont privées.  Un problème qui a des répercussions sanitaires alarmantes: chaque année dans le monde, deux millions d’enfants de moins de cinq ans meurent de la diarrhée, principalement à cause d’un manque d’assainissement et d’hygiène.

 

De graves risques sanitaires

En l’absence de toilettes, la manière “alternative” de se soulager (en pleine nature, dans des sacs plastiques, à proximité d’habitations ou de points d’eau) engendre de graves risques sanitaires. Les excréments sont des réservoirs à microbes et se retrouvent à la portée des adultes, des enfants, des animaux ou des insectes, et contaminent les cours d’eau. L’ingestion ou le contact avec une eau polluée par les excréments est mortelle. Les maladies hydriques (comme la diarrhée, le choléra, la typhoïde, etc.) font en effet chaque année des millions de victimes.


Haïti, les Gonaïves après les inondations de 2008. Crédit: Julien Eyrard.

L’absence d’assainissement a aussi un effet néfaste sur la scolarisation des enfants, surtout des filles qui, à l’âge de la puberté, quittent l’école car leur dignité n’est plus assurée.

Les conséquences économiques du manque de toilettes à l’échelle d’un pays sont également très lourdes: les pertes dues aux dépenses de santé et aux pertes de productivité sont estimées à 260 milliards de dollars par an. Sans oublier les impacts négatifs sur l’environnement.

Le droit à l'eau et à l’assainissement, un droit de l'Homme

Lors de l’adoption des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en 2000, la communauté internationale s’est engagée à réduire de moitié la proportion de personnes n’ayant pas accès aux services d’assainissement de base d’ici 2015. L’Assemblée générale des Nations Unies a néanmoins reconnu le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit de l’Homme, le 28 juillet 2010. Cette OMD pour l’assainissement sera pourtant loin d’être atteint en 2015.

Même si 1,8 milliard de personnes ont accédé à des installations sanitaires améliorées depuis 1990, au rythme actuel de progression la couverture ne sera que de 67 % en 2015, bien loin des 75 % requis.

Malgré cette situation alarmante, l’assainissement n’est souvent pas considéré comme une priorité. C’est un sujet tabou et les décideurs politiques tendent à penser qu’il relève de la sphère privée et non publique, ce qui freine le développement de plans d’actions spécifiques.

Manque de financements

Mais le manque de financements nationaux et internationaux consacrés à l’assainissement est également un obstacle au développement de programmes d’accès.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 190 milliards de dollars (150 milliards d’euros) d’investissements sont nécessaires chaque année, jusqu’en 2015, afin d’atteindre la cible eau et assainissement des OMD (PDF) dans toutes les régions.
Or, le montant de l’aide au développement pour l’eau et l’assainissement était seulement de 7,8 milliards de dollars en 2010.

Quelles mesures pour les Etats?

 Pour faire face à cette crise de l’assainissement, les Etats doivent agir. Cinq mesures sont prioritaires:
Mettre en œuvre le droit de l’Homme à l’eau et à l’assainissement de manière effective. Ce droit doit être inscrit dans les lois des différents pays et mis en œuvre au niveau local.

Accroître les financements consacrés au secteur de l’assainissement et améliorer leur ciblage. Alors que la France a multiplié les déclarations et engagements en faveur de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, force est de constater qu’elle a diminué son aide publique au développement bilatérale pour le secteur eau et assainissement de 559 millions d’euros en 2009 à 364 millions en 2010 (dont une baisse des dons de 10 millions d’euros).

En outre, cette aide se fait majoritairement sous forme de prêts (86%), ce qui laisse à la marge les populations les plus démunies, vivant en milieu rural ou en périphérie des villes, ainsi que les pays les moins avancés ayant pourtant les plus forts défis à relever.

Soutenir les Plans nationaux de développement et accélérer leur mise en œuvre. Ces Plans sont établis par les Etats et permettent de faire de l’eau et de l’assainissement une priorité, de rassembler tous les acteurs (y compris les financeurs) et de coordonner et planifier leurs efforts en fonction des besoins du pays.

Améliorer les moyens techniques. Dans ce domaine, les techniques d’assainissement écologique qui permettent de retraiter et de valoriser les excréments humains sont particulièrement prometteuses.

Mettre l’accent sur la sensibilisation à la problématique de l’assainissement. La prise de conscience doit sortir des espaces “experts” pour atteindre les gouvernements du Nord et du Sud, les citoyens, les médias, les collectivités locales ou les professionnels du secteur. Un accent particulier doit être porté sur les communautés locales.

Alors qu’un cadre pour le développement post 2015 est en cours d’élaboration, il est essentiel de faire de l’assainissement une priorité de l’agenda international, au-delà de l’échéance des OMD.

RD Congo : la Monusco, mission impossible ?

On parle de plus en plus du déploiement d’une force « neutre » dans l’est du Congo… N’est-il pas censé y en avoir déjà une? Récit et analyse d'une journaliste indépendante, dans une région où les problématiques militaires et humanitaires s'entrecroisent.
afrique saigne RD Congo : la Monusco, mission impossible ?

En février 2005, je réalisais une série de reportages sur la situation en Ituri, région située à l’extrême nord-est de la République démocratique du Congo. Neuf casques bleus bangladeshis avaient été sauvagement assassinés par des miliciens alors qu’ils étaient en patrouille. Ils étaient tombés dans une embuscade et n’avaient aucune chance de s’en sortir. Le reste de leur contingent était sous le choc, désemparé face à autant de barbarie. Ils étaient devenus des cibles dans un conflit auquel ils ne comprenaient rien, à plus de 20 000 kilomètres de chez eux.

Une nuit, l’escorte du chef de la division Est, de ce qui était alors encore la Monuc, était venu me chercher à mon hôtel. J’allais pouvoir l’interviewer avant son départ. La piste était sombre, je regardais les ombres défiler. Bien avant de la voir, j’ai entendue ses cris, de véritables hurlements. Une jeune fille quasi-nue était trainée par terre par une vieille femme. Des hommes à moto l’entouraient. Je demandais au jeune officier pakistanais qui conduisait de s’arrêter un instant. Je baissais ma vitre, elle hurlait et pleurait. Je n’arrivais pas à comprendre ce qu’elle disait. Je suis sortie du véhicule. Les casques bleus qui nous escortaient se sont immédiatement déployés et deux d’entre eux m’ont remis de force dans le véhicule. « On ne peut pas intervenir », s’est contenté de dire l’officier pakistanais, avant de reprendre sa route. Je n’ai pas compris l’attitude des casques bleus cette nuit-là. Je pourrais raconter une dizaine d’anecdotes plus graves encore. Mais c’est la première fois que, nouvelle venue sur le terrain, je m’interrogeais sur les limites du mandat de cette mission de l’ONU.

Responsable de tous les maux

Tous les acteurs et observateurs, journalistes, politiques, diplomates, humanitaires, groupes armés, civils et même ceux qui y travaillent, critiquent la Monusco, son mandat, ses lourdeurs administratives, ses choix stratégiques, avant même de balayer devant leur propre porte. Des critiques objectives, les casques bleus n’arrivent souvent même pas à protéger les civils qui se trouvent autour de leur base. Des fantasmes aussi : ils seraient là pour piller les ressources du pays, pour soutenir le Rwanda ou seraient complices des atrocités commises par l’armée congolaise.

« C’est paradoxal, explique Séverine Autesserre, maitre de conférence à l’Université Columbia et auteur de « The Trouble with the Congo. Local Violence and the Failure of International Peacebuilding » (Cambridge University Press. 2010), demandez à un civil congolais, ce qu’il pense de la Monusco et il va multiplier les critiques. Et pourtant si l’Onu essaie de retirer l’un de ses contingents ou de fermer l’une de ses bases, il y a des manifestations de protestation ». Il y a aussi eu bien sûr des manifestations contre la Monusco, accusée le plus souvent d’être inefficace, inapte à protéger les civils. Mais c’est toujours vers la force de l’Onu qui se tourne la population menacée, jusqu’à tenter d’entrer de force dans la base la plus proche.

« L’ONU a quand même réussi à rétablir la « sécurité » sur une bonne partie du territoire et à le réunifier », poursuit Séverine Autesserre. En 2002, le pays était encore ouvertement occupé par des armées étrangères et notamment des contingents rwandais, ougandais, burundais, zimbabwéens, angolais ou encore namibiens.

Même si Kinshasa accuse aujourd’hui encore Kigali et Kampala de soutenir des mouvements rebelles à l’est, l’implication de pays étrangers est sans commune mesure avec celle qui prévalait 10 ans plus tôt. C’est aussi dans cette perspective de long terme que se place Waatibal Kumaba Mbuta, auteur de « L’ONU et la diplomatie des conflits : le cas de la République démocratique du Congo » (éd. L’Harmattan, Paris, 2012) : « L’aspect positif du travail de la Monusco, quand elle s’appelait encore la Monuc, réside dans la démarche adoptée pour résoudre le conflit : l’organisation d’un dialogue politique global et inclusif en 2002 en Afrique du Sud qui a abouti à la signature d’un Accord global et inclusif (1) ».

Cet accord prévoyait la mise en place d’un gouvernement d’union nationale de transition chargé de réformer l’armée, d’élaborer la Constitution et d’organiser les élections.
On ne peut pas nier le vent d’espoir né des accords issus du dialogue inter congolais de Sun City (2), signés par les belligérants en 2002 en Afrique du Sud, et de la transition. Les élections de 2006 étaient sans conteste une prouesse logistique et ont été saluées par l’ensemble de la communauté internationale. Si la transition a eu ses à-coups, les belligérants d’hier s’étaient pliés au moins pour un temps et dans une certaine mesure au jeu démocratique. Les Congolais avaient enfin pu voter pour la première fois de leur histoire, ce qui aurait été impensable quelques années plus tôt. Mais l’évolution actuelle n’incite guère à l’optimisme.

Les élections de 2011  ont été très largement critiquées, y compris, même si très tardivement, par la mission d’observation de l’Union Européenne. Sur le plan économique et social, la même année, le pays était bon dernier dans le classement du PNUD sur l’indice de développement humain alors qu’on le qualifie souvent de « scandale géologique » à cause de l’immensité de ses ressources et même si les financements externes représentent près de la moitié du budget de l’État. Mais le plus grand échec de la transition congolaise et de la communauté internationale est sans nul doute la réforme du secteur de la sécurité. Les anciennes parties au conflit ont été reversées au sein de l’armée, sans parvenir à les « brasser ». Les militaires ne sont pas payés, pas formés, peu encadrés et presque jamais sanctionnés.

« C’est une armée prédatrice, son déploiement dans l’état actuel des choses est un désastre », explique Séverine Autesserre, même si l’échec du réforme du secteur de la sécurité n’est pas l’unique cause de l’insécurité dans l’est (3).

Alors qu’aujourd’hui le budget annuel de la Monusco avoisine le milliard et demi de dollars par an (4), le montant de l’aide extérieure directement consacré à la gestion et la réforme du secteur de la sécurité de 2006 à 2010 ne dépassait pas les 85 millions de dollars. Que conclure, sinon que la communauté internationale préfère jouer les pompiers que de prévenir le risque d’incendie…

L’éternel recommencement

De fait, dans l’est du Congo, rien ne semble véritablement changer. Les rebellions et les groupes armés sont toujours là, ils changent de noms, parfois d’alliances. Les civils continuent de se déplacer en masse. Le pays compte plus de 2 millions de déplacés internes, qui se trouvent pour l’essentiel dans le Kivu.

L’émergence de la rébellion du M23, les mouvements de troupes des FDLR ou des Mai-Mai, n’ont rendu que plus claire la réalité de la situation. Dans cette partie de la République démocratique du Congo, la guerre se poursuit. « Le problème, c’est qu’il y a ce parti pris de dire qu’on est en période de consolidation de la paix, pas de maintien de la paix. Mais dans l’est, on n’est pas en phase de consolidation de la paix, mais de guerre civile », explique encore Séverine Autesserre. « Avec ce changement de langage, on crée artificiellement l’idée qu’on progresse. Mais c’est faux, cela n’a rien à voir avec la situation sur le terrain », précise Adam Baczko, doctorant à l’École des Hautes Études en sciences sociales.

Depuis que le tout premier casque bleu a posé le pied sur le sol congolais en 1999, le mandat de la mission a considérablement évolué. Aujourd’hui, toutes ses forces sont concentrées à l’Est. La résolution 1925, adoptée en mai 2010 (5), rétrocède au gouvernement congolais, issu des élections, la responsabilité première de la protection des civils, même si cela fait toujours partie d’un mandat de la Monusco. Elle doit surtout assurer la protection des personnels onusiens et des humanitaires  en réduisant la menace que constituent les groupes armés, aider à la restauration de l’autorité de l’État, insister sur la réforme du secteur de la sécurité, entre autres. « Un inventaire à la Prévert », commente  Séverine Autesserre. Son mandat a été prorogé à plusieurs reprises, la dernière fois en juin 2012 (6). 13 ans déjà de présence et il est impossible de dire quand cette mission pourra prendre fin.

Le changement de position de la Monusco est plus qu’une simple question de langage. Avant 2006, l’armée et le gouvernement étaient considérés comme une partie au conflit, au même titre que les groupes armés et partis politiques qui leur étaient associés. Aujourd’hui, la mission est là pour les appuyer. Le leitmotiv, c’est de dire que la Monusco est impartiale, mais pas neutre. Encore une affaire de mots. « Le plus grave pour moi, c’est cette perte d’impartialité. La Monusco ne peut plus jouer un rôle de médiateur, elle est l’une des parties engagées dans ce conflit. C’est ce qui explique aujourd’hui sa perte de crédibilité et d’influence », explique Séverine Autesserre. « L’élection de 2006 a été supervisée par la communauté internationale, celle de 2010 a été entachée d’irrégularités, mais la communauté internationale a estimé que ces irrégularités ne remettaient pas en cause le verdict des urnes.

En principe, la Monusco ne peut qu’appuyer les autorités congolaises. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur la légitimité ou non du gouvernement », pense quant à lui Waatibal Kumaba Mbuta. Revenir sur ce soutien, traiter à nouveau l’armée congolaise comme un groupe parmi d’autres serait sans nul doute le pire des constats d’échec. Ce serait aussi une gifle intolérable pour Kinshasa. Mais aujourd’hui le positionnement de la Monusco est devenu illisible au point que l’on prépare le déploiement d’une force neutre à la frontière entre le Rwanda et le Congo. N’est-ce pas en soi un constat d’échec pour la mission de l’Onu?

S’engager… ou partir ?

A chaque fois qu’une conversation s’engage sur le mandat de la Monusco, l’exemple de l’opération Artémis revient régulièrement sur la table. Cette force de 1500 hommes à peine est parvenue en l’espace de trois mois à sécuriser la ville de Bunia. Agissant sous couvert du chapitre 7 de la charte des Nations-Unies, elle est entrée en guerre contre les milices, les a désarmées de force. Son mandat et ses objectifs étaient simples et clairs, son positionnement sans ambiguïté. « La position actuelle de la Monusco est intenable. Il y a un faux engagement, une fausse neutralité. Si la Monusco conserve ce positionnement, la guerre va continuer », estime Adam Baczko.

Le soutien de la mission onusienne à une armée défaillante, poursuit-il, ne permet pas aujourd’hui au gouvernement de reprendre le contrôle de l’Est. Mais elle ne permet pas non plus, précise-t-il, aux groupes armés de prendre de l’envergure et de se muer en des alternatives politiques. D’où, selon Adam Baczko, ce sentiment de status quo. Et finalement, les populations civiles ne sont pas non plus véritablement protégées. « Seule une démarche offensive de la Monusco contre les groupes armés et particulièrement le M23 et le FDLR peut permettre, à court terme, au gouvernement congolais de contrôler l’Est de son territoire et de protéger efficacement la population », assure Waatibal Kumaba Mbuta. C’est ce que réclame aussi le gouvernement congolais, un élargissement du mandat de la Monusco qui modifie les règles d’engagement des casques bleus pour  « protéger plus efficacement les civils », sous-entendu, pour combattre directement les groupes armés.

Les quelques 20 000 hommes en uniforme de la mission peuvent-ils réellement venir à bout de la multitude de groupes armés qui pullulent dans l’est du Congo? On parle de plus de  180 000 kilomètres carrés, pas d’une ville. Et pour permettre quoi exactement à court terme? Le déploiement de l’armée telle qu’elle se présente aujourd’hui?

L’autre option serait de partir, au moins pour la composante militaire de la force. Certains l’envisagent au sein même de la Monusco. Une idée empreinte d’une certaine nostalgie. La mission pourrait alors retrouver son rôle d’observateur et de médiateur et en revenir à des missions civiles. Mais après l’hypothétique départ des casques bleus, que deviendrait l’armée congolaise? Comment arriverait-elle à résister aux groupes armés? Plutôt qu’un départ précipité qui pourrait se révéler catastrophique, Séverine Autesserre préfère envisager un recentrage de ses ressources sur des tâches précises comme la protection des civils. « C’est une organisation très militaire, ce qui n’est toujours pas adaptée pour remplir toute une partie de ses missions. Beaucoup, comme par exemple le soutien à la réforme de l’Etat, pourraient même être menées, non pas par la Monusco, mais par les agences onusiennes ou les ONGs », explique-t-elle. Cela demanderait évidemment une plus grande coordination entre les différents acteurs présents sur le terrain.

La Monusco est peut-être pointée du doigt à raison. Mais tous ces manquements ne suffisent pas à expliquer l’immense gâchis de ce conflit dans l’Est. Les causes de l’insécurité sont multiples : la faiblesse de la démocratie congolaise, l’échec de la réforme du secteur de la sécurité, l’exploitation illégale des ressources minières, mais aussi les conflits locaux et notamment liés à la terre qui sont trop souvent ignorés. C’est toute l’assistance étrangère au pays qui doit être repensée, pas seulement un mandat : le positionnement des chancelleries, l’affectation des aides financières et techniques, les stratégies d’intervention des humanitaires…

Derrière la relative inefficacité de la Monusco se profile surtout l’échec de la communauté internationale. La géométrie des interventions onusiennes n’est après tout que le résultat d’un compromis entre États.

(1) http://www.congonline.com/DI/documents/Accord_global_et_inclusif_de_Pretoria_17122002_signed.htm
(2) http://www.afrique-express.com/archive/CENTRALE/rdcongo/rdcongopol/249texteaccord.htm
(3) Cf.  « Dangerous tales : Dominant narratives on the Congo and their unintended consequences » – https://docs.google.com/file/d/0B2UvDYLaoo3iYjI3N2MxOGMtNDlkYS00YWFkLTg2NzgtYzhmMGVhM2EyNmMz/edit?pli=1
(4) http://www.un.org/fr/peacekeeping/missions/monusco/facts.shtml
(5) http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/1925%282010%29
(6) http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2053%282012%29


Source : http://www.grotius.fr/la-monusco-mission-impossible/