mardi 20 novembre 2012

Drones : des ONG demandent l'interdiction des "robots tueurs"

"Les robots parfaitement autonomes n'existent pas encore, mais les technologies évoluent en se sens, et des dispositifs précurseurs sont déjà utilisés", indique toutefois un rapport publié lundi 19 novembre par Human Rights Watch et la Clinique des droits humains internationaux de la faculté de droit de l'université de Harvard.

Le prototype d'avion de combat Taranis.

Dans sa nouvelle Nouveau modèle, l'écrivain Philip K. Dick décrit une humanité aux prises avec des robots humanoïdes guerriers entièrement autonomes sur le champ de bataille, et la confrontation ne tourne pas à son avantage. Depuis, l'idée de robots tueurs n'a cessé d'être reprise, notamment au cinéma, dans la série des Terminator, récits d'une guerre entre les humains et les machines.

Certaines organisations gouvernementales craignent toutefois que ces scénarios fictifs ne deviennent réalité. 

"UN VIDE JURIDIQUE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ"

Le document a été élaboré après l'audition de plusieurs experts militaires et roboticiens, mais aussi de représentants de la société civile, des philosophes et des avocats spécialisés. La mise en service de machines de guerre – sur terre, dans les airs ou en mer – capables de décider de tuer continue de faire débat. Mais les différents intervenants estiment qu'elles pourraient exister d'ici vingt ou trente ans.
Et si ces armes relèvent pour l'heure de la simple fiction, elle suscitent déjà de nombreux problèmes, d'ordre légal notamment. "Ces armes autonomes ne pourraient pas satisfaire les critères imposés par le droit international humanitaire", indique le rapport.

Selon les experts cités, ces technologies seraient d'ailleurs incapables de discerner, de façon claire, les soldats et les civils. "L'utilisation d'armes complètement autonomes créerait un vide juridique en matière de responsabilité", pointe enfin le rapport. Qui, en effet, pourrait être tenu responsable d'une opération militaire menée avec des drones autonomes ? Le commandant, le programmeur de drones, le constructeur de l'appareil ?

LES SYSTÈMES DE DÉFENSE AUTONOMES EN PLEIN ESSOR
 
Les attaques d'avions sans pilote font désormais partie du quotidien dans les opérations menées contre les talibans, notamment au Pakistan. Plusieurs cibles "de haute valeur", selon les services de renseignement américains, ont été tuées par des appareils comme les Reapers, pilotés manuellement depuis des bases américaines. Selon le site Long War Journal, 117 attaques ont été menées en 2010 par des drones au Pakistan. Plusieurs pays, comme les Etats-Unis, Israël, l'Allemagne et la Russie se sont d'ailleurs lancés dans la course aux drones. D'après la feuille de route établie par l'armée américaine, le Pentagone a déjà dépensé en 2011 près de 7 milliards de dollars (5,5 milliards d'euros) sur l'ensemble des programmes liés aux machines sans pilotes.

Les drones ont souvent des effets contreproductifs en raison des dommages collatéraux élevés, comme le souligne aussi un récent rapport des universités de Stanford et de New York.
Outre les avions sans pilotes, Human Rights Watch et la Clinique des droits humains internationaux voient aussi dans les nouveaux systèmes de défense les germes de systèmes autonomes. "Ces systèmes sont conçus pour anticiper des missiles ou des roquettes, et pour neutraliser la menace." Le système de défense antimissile et antinavire de la Navy, Phalanx CIWS, est l'un des pionniers depuis sa mise en service en 1980. Israël a pour sa part déployé l'"Iron Dome", censé défendre ses frontières contre les attaques à la roquette.

NOUVELLE GÉNÉRATION

Avec les drones de combat, on passe à un stade supérieur dans l'autonomie des systèmes d'armements. Un UCAV (Unmanned Combat Air Vehicle, drone de combat volant) est programmé pour suivre un trajet et atteindre un objectif, mais conduit sa mission avec une grande autonomie, sans intervention humaine.

La France a lancé en 2003 une initiative majeure avec le démonstrateur technologique d'avion de combat furtif non piloté à bord, l'"UCAV-nEUROn". Dassault Aviation est maître d'œuvre de ce projet, en coopération avec la Grèce, l'Italie, l'Espagne, la Suède et la Suisse. Le coût est estimé à 406 millions d'euros. Il devrait faire son premier vol fin novembre, selon l'Etat-major. En France, ces drones pourraient remplacer les avions de combat de 4e génération Rafale. Pour sa part, la Grande-Bretagne a développé le projet Taranis.

Certaines recherches envisagent même des drones de combat pour mener des opérations de bombardements stratégiques, pouvant le cas échéant être nucléaires.

Source : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/11/20/drones-des-ong-demandent-l-interdiction-des-robots-tueurs_1793205_651865.html