Des chercheurs français ont étudié secrètement, pendant deux ans, 200
rats nourris au maïs transgénique. Tumeurs, pathologies lourdes… une
hécatombe. Et une bombe pour l'industrie OGM.
Photo du film "Tous cobayes ?".
(Jean-Paul Jaud / ©J+B Séquences)
C’est une véritable bombe que lance, ce 19 septembre à 15 heures, la
très sérieuse revue américaine "Food and Chemical Toxicology" - une
référence en matière de toxicologie alimentaire - en publiant les
résultats de l’expérimentation menée par l’équipe du français Gilles-Eric Séralini,
professeur de biologie moléculaire à l'université de Caen. Une bombe à
fragmentation : scientifique, sanitaire, politique et industrielle. Elle
pulvérise en effet une vérité officielle : l’innocuité du maïs
génétiquement modifié.
Lourdement toxique et souvent mortel
Même à faible dose, l’OGM
étudié se révèle lourdement toxique et souvent mortel pour des rats. A
tel point que, s’il s’agissait d’un médicament, il devrait être suspendu
séance tenante dans l’attente de nouvelles investigations. Car c’est ce
même OGM que l’on retrouve dans nos assiettes, à travers la viande, les
œufs ou le lait.
En 2006, c’est comme un véritable thriller que commence cette
recherche, dont le maître d’œuvre, Gilles-Eric Séralini, divulgue
lui-même les conclusions dans un ouvrage à paraître la semaine prochaine
("Tous cobayes !", Flammarion, en librairie le 26 septembre).
Nom de code In Vivo
Jusqu’en 2011, les chercheurs ont travaillé dans des conditions de
quasi-clandestinité. Ils ont crypté leurs courriels comme au Pentagone,
se sont interdit toute discussion téléphonique et ont même lancé une
étude leurre tant ils craignaient un coup de Jarnac des multinationales
de la semence.
Le récit de l’opération – nom de code In Vivo - évoque la très
difficile récupération de semences de maïs OGM NK 603, propriété
brevetée de Monsanto,
par le truchement d’un lycée agricole canadien. Puis la récolte et le
rapatriement des "gros sacs de jute" sur le port du Havre fin 2007,
avant la fabrication de croquettes dans le secret le plus total et la
sélection de deux cents rats de laboratoires dits "Sprague Dawley".
Bilan ? Glaçant : "Après moins d’un an de menus différenciés au maïs
OGM, confie le professeur Séralini, c’était une hécatombe parmi nos
rats, dont je n’avais pas imaginé l’ampleur".
Pathologies lourdes, tumeurs mammaires
Tous les groupes de rats, qu’ils soient nourris avec le maïs OGM
traité ou non au Roundup, l'herbicide de Monsanto, ou encore alimentés
avec une eau contenant de faibles doses d’herbicide présent dans les
champs OGM, sont frappés par une multitude de pathologies lourdes au 13e
mois de l’expérience. Chez les femelles, cela se manifeste par des
explosions en chaine de tumeurs mammaires qui atteignent parfois jusqu’à
25% de leur poids. Chez les mâles, ce sont les organes dépurateurs, le
foie et les reins, qui sont atteints d’anomalies marquées ou sévères.
Avec une fréquence deux à cinq fois plus importante que pour les
rongeurs nourris au maïs sans OGM.
Comparaison implacable : les rats nourris au maïs OGM déclenchent
donc de deux à trois fois plus de tumeurs que les rats nourris sans OGM
quel que soit leur sexe. Au début du 24e mois, c’est-à-dire à la fin de
leur vie, de 50% à 80% des femelles nourries aux OGM sont touchées
contre seulement 30% chez les sans-OGM.
Surtout, les tumeurs surviennent nettement plus vite chez les rats
nourris aux OGM : vingt mois plus tôt chez les mâles, trois mois plus
tôt chez les femelles. Pour un animal qui bénéficie de deux ans
d’espérance de vie, l’écart est considérable. A titre de comparaison, un
an pour un rongeur, c’est à peu près l’équivalent d’une quarantaine
d’années pour un homme…
Exiger des comptes
C’est forte de ces conclusions que Corinne Lepage,
dans un livre qui paraît vendredi 21 septembre ("La vérité sur les OGM,
c’est notre affaire", Editions Charles Léopold Mayer), entend bien
exiger des comptes auprès des politiques et des experts, français et
européens, des agences sanitaires et de la Commission de Bruxelles, qui
se sont si longtemps opposés et par tous les moyens au principe d’une
étude de longue durée sur l'impact physiologique des OGM.
Cette bataille, l’ex-ministre de l’Ecologie et première
vice-présidente de la commission Environnement, Santé publique et
Sécurité alimentaire à Strasbourg, la mène depuis quinze ans au sein du
Criigen (Comité de Recherche et d’Information indépendantes sur le Génie
génétique) avec Joël Spiroux et Gilles-Eric Séralini. Une simple
association 1901 qui a pourtant été capable de réunir de bout en bout
les fonds de cette recherche (3,2 millions d’euros) que ni l’Inra, ni le
CNRS, ni aucun organisme public n’avaient jugé judicieux
d’entreprendre.
Une étude financée par Auchan et Carrefour
Comment ? Autre surprise : en sollicitant la Fondation suisse Charles
Léopold Mayer. Mais aussi les patrons de la grande distribution
(Carrefour, Auchan..), qui se sont réunis pour l'occasion en
association. Depuis la vache folle, ces derniers veulent en effet se
prémunir de tout nouveau scandale alimentaire. A tel point que c’est
Gérard Mulliez, fondateur du groupe Auchan, qui a débloqué les premiers
financements.
L’étude du professeur Séralini laisse donc présager une nouvelle
guerre meurtrière entre pro et anti-OGM. Les agences sanitaires
exigeront-elles de toute urgence des études analogues pour vérifier les
conclusions des scientifiques français ? Ce serait bien le moins.
Monsanto, la plus grande firme mondiale de semences transgéniques,
laissera-t-elle faire ? Peu probable : sa survie serait en jeu. Pour une
seule plante OGM, il y a une centaine de variétés. Ce qui impliquerait
au moins une dizaine d'études de 100 à 150 millions d’euros chacune !
Le temps de la vérité
Sauf que, dans cette nouvelle confrontation, le débat ne pourra plus
s’enliser comme par le passé. Dés le 26 septembre, chacun pourra voir au
cinéma le film choc de Jean-Paul Jaud, "Tous Cobayes ?", adapté du
livre de Gilles-Eric Séralini, et les terribles images des rats
étouffant dans leurs tumeurs. Des images qui vont faire le tour de la
planète et d’internet, puisqu'elles seront diffusées sur Canal+ (au
"Grand Journal" du 19 septembre) et sur France 5 (le 16 octobre dans un
documentaire). Pour les OGM, l’ère du doute s’achève. Le temps de la
vérité commence.