lundi 17 septembre 2012

Cinq fois plus de pesticides autorisés dans l'eau du robinet depuis un an

L'association Générations Futures pointe du doigt la décision des services de l'Etat de relever le taux de tolérance en pesticides dans l'eau du robinet.

Après de nombreux articles récents pointant la discrétion avec laquelle ces taux ont été relevés depuis plus d'un an déjà, nous republions l'interview du président de l'association "Générations Futures" du 2 Mars dernier.

Cinq fois plus de pesticides autorisés dans l'eau du robinet depuis un an ! En toute discrétion
"C'était complètement passé inaperçu. J'ai moi-même été alerté par des gens de Seine-et-Marne étonnés de ne plus entendre parler de restrictions d'eau..." François Veillerette, président de l'association Générations Futures, par ailleurs vice-président de la région Picardie en charge des questions d'environnement, d'alimentation et de santé, n'en revenait pas lui même.


Militant écologiste en pointe sur la question des pesticides, l'homme découvrait que les quantités de pesticides dans l'eau avaient été "multipliées par 5" ! Une décision prise dès 2010 par le ministère de la santé, validée dans le bulletin officiel il y a déjà un an, dans l'indifférence générale. Un principe pour lui inadmissible.

SudOuest.fr : Comment avez-vous découvert cette modification de la réglementation ? 

François Veillerette. Il s'agit d'une instruction ministérielle, qui n'a pas rencontré un écho considérable. Elle a été légalisée par sa publication au bulletin officiel. J'ai été alerté par des particuliers de Seine-et-Marne. Ils avaient toujours eu des problèmes de qualité de l'eau. Et là, d'un coup, on leur disait "tout va bien". J'ai pris le temps de regarder autour de moi. Mais tout le monde semblait être passé à côté. 

En quoi consiste la nouvelle réglementation ? 

Il existe une directive européenne qui fixe une limite. Au-delà de 0.10 microgramme par litre pour une substance pesticide individuelle ou de 0,50 microgramme par litre pour le total des pesticides quantifiés, la limite de qualité était dépassée. Malgré tout, cette directive n'empêche pas les Etats de distribuer de l'eau dont les taux sont supérieurs. Et de fixer des taux d'alerte supérieurs.
En France, il existe une notion de "valeur maximum" ou VMax, qui était, souvent, déjà supérieure au taux fixé par l'UE. Un avis du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) prévoyait cependant que l'eau ne devait pas être utilisée ni pour la boisson ni pour la préparation des aliments si un pesticide s'y trouvait dans une concentration équivalente à 20 % de cette VMax. Nous étions clairement dans le principe de précaution. En faisant sauter ce verrou, et en autorisant une concentration équivalente à la VMax, on passe dans l'évaluation du risque. 

Quelle en est la justification ? 

Le discours est à la validation de valeurs calculées par des organismes internationaux, de l'Union européenne ou d'ailleurs, ce qui permet d'établir une valeur toxicologique de référence, en faisant la part de ce qui est consommé. Cette démarche ne tient cependant pas compte de différents faits. Certaines expériences menées sur des animaux montre qu'avec 0,1 microgramme d'atrazine, concentration jugée conforme, il y a déjà des effets sur le système endocrinien. Et ces effets en sont pas maîtrisés dans le temps.
Il est assez étonnant, par ailleurs, que l'on tolère de telles concentrations. Nous sommes loin de ce qui existe dans l'alimentation, et qui est par ailleurs déjà très critiqué. Et la part de l'eau dans l'alimentation est de 10 % !  L'exposition comporte toujours des risques.

Quels sont ces risques ? 

Ce n'est pas la dose qui fait le poison. Certains pesticides ont un effet quoiqu'il arrive, surtout sur des populations à risques. Les femmes enceintes et les jeunes enfants sont les plus vulnérables. Les études présentées ne prennent pas en compte l'impact endocrinien sur le foetus. Surtout pour une exposition dès le premier mois de grossesse. Il faut en outre considérer que nous ne sommes jamais exposé à un seul polluant. Cette décision, qui détermine un à un les taux admissibles de polluants, ne va pas dans le bon sens. Elle est même incohérente. Il est clairement admis, dans le milieu de la recherche, y compris à l'Anses, que le défi à venir est celui des "cocktails". 

Pour vous, il ne s'agit donc que d'un trompe-l'œil ? 

Clairement. Ce changement de législation a pour conséquence une baisse mécanique mais artificielle du nombre de personnes concernées par les problèmes de pollution de l'eau potable. Il ne reste aujourd'hui que quelques cas en Picardie et en Champagne Ardennes, et dans le Sud, en Aveyron et en Midi-Pyrénées. Cette population de personnes exposées à une présence excessive de pesticides est ainsi tombée de 34 300 personnes en 2009  à 89 939 dans le bilan de la qualité des eaux en 2010. Cela règle le problème des préfets avec l'eau, mais cela n'améliore pas la situation. 
 
Une instruction controversée

L'instruction rédigée en décembre 2010 explique qu'"après un rappel des modalités du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine et des mesures de prévention des risques sanitaires liés aux pesticides", il était défini "de nouvelles modalités de gestion des situations de dépassement des limites de qualité pour les pesticides dans l'eau du robinet, tenant compte des dernières évaluations des risques sanitaires menées par l'Agence sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail" (Anses)

"Certains études font état que les pesticides peuvent être à l'origine de cancers, d'effets neuro-toxiques et d'effets sur la reproduction (baisse de fertilité)", note le rédacteur de l'instruction. "Toutefois, aucune étude n'est encore aujourd'hui disponibles sur les risques pouvant être liés à la consommation d'eau non conforme à des concentrations telles que celles observées en France. Il convient également de rappeler que la source principale de l'exposition aux pesticides par ingestion est l'alimentation."

Source : http://www.sudouest.fr/2012/03/02/pesticides-dans-l-eau-potable-les-femmes-enceintes-et-les-enfants-sont-les-plus-vulnerables-648551-4696.php