mercredi 17 octobre 2012

La détresse psychologique des travailleurs de l’humanitaire

Les travailleurs de l’humanitaire sont exposés à des conditions de travail difficiles sur des périodes parfois longues, où même leur vie peut être en danger. Une étude réalisée par le Center for Disease Control d’Atlanta montre que ces travailleurs humanitaires sont à risque de problèmes psychologiques importants en particulier de troubles anxieux et dépressifs, que ce soit sur le terrain ou lorsqu’ils sont rentrés chez eux. Les groupes humanitaires qui les emploient peuvent mettre en place des mesures pour limiter et prendre en charge ces troubles.


Les scientifiques du CDC ont suivi 212 travailleurs humanitaires opérant pour 19 organisations non gouvernementales (ONG) différentes, avant et après une mission. 60% étaient des femmes. L’âge moyen des volontaires était de 34 ans Leur niveau d’anxiété, l’existence de symptômes de dépression, de détresse psychologique, le sentiment d’accomplissement personnel ou l’usage d’alcool et/ou de stupéfiants ont été recherchés avant et après la mission. Les scientifiques ont également tenté d’identifier la survenue d’un burnout, un syndrome à part. Le burnout se définit par 3 composantes principales : un score élevé d’épuisement émotionnel et de dépersonnalisation, et une diminution des sentiments d’accomplissement personnel. A la différence de la dépression qui envahie toute la personnalité, le burnout est un syndrome  touchant les travailleurs. Il apparaît plus fréquemment chez ceux qui s’occupent d’autrui de manière intensive.

Les questions posées aux travailleurs humanitaires tentaient de cerner les conditions de vies locales (lieu de vie, électricité, eau), les conditions de sécurité, comme la présence d’éléments hostiles ou l’existence de checkpoints dangereux, ainsi que la quantité de travail et la reconnaissance formulée par l’ONG. L’identification  d’expériences traumatisantes incluait l’exposition à des évènements dangereux, la peur de blessures, le kidnapping, l’exposition à des attouchements sexuels, le meurtre d’un collègue ou la destruction d’un bâtiment de l’ONG.

Avant leur déploiement sur le terrain, 3,8% (12) d’entre eux rapportaient déjà des symptômes d’anxiété et 10,4% (22) des symptômes de dépression, une proportion en ligne avec la prévalence de ces troubles dans la population générale. A leur retour de mission, ces troubles touchaient beaucoup plus d’individus : 11,8% (20) rapportaient alors des symptômes d’anxiété et 19,5% (33) des symptômes dépressifs. Entre 3 et 6 mois après leur retour, ces troubles anxieux ne touchaient plus que 7,8% des travailleurs de l’humanitaire, mais le taux de symptômes dépressifs avait lui encore un peu progressé atteignant 20,1% des travailleurs humanitaires, soit 1 sur 5, des taux doubles par rapport à la population générale. Le retour à une vie normale  est parfois complexe : “Il est classique chez les individus qui rentrent chez eux après un déploiement sur le terrain d’être  débordés par le confort et les choix multiples offerts par notre société, tout en étant incapable de discuter de leurs sentiments avec leur famille ou leurs amis” explique le Dr Alastair Ager, co auteur de l’étude.

Cette étude indique que les travailleurs humanitaires présentent un risque accru de dépression et de burnout après leur mission et que ce risque ne diminue pas dans les 3 à 6 mois après le retour. Le risque d’anxiété est également augmenté immédiatement après le retour mais semble se réduire à la reprise d’une vie normale, moins stressante. Curieusement, l’évaluation de la satisfaction de leur vie se réduisait au retour de la mission : Le retour à une vie normale est parfois complexe explique le Dr Alastair Ager, co auteur de l’étude : ”Il est classique, chez les individus qui rentrent chez eux après un déploiement sur le terrain d’être  débordés par le confort et les choix multiples offerts par notre société, tout en étant incapable de discuter de leurs sentiments avec leur famille ou leurs amis”.

Les personnels humanitaires ayant un antécédent de trouble psychologique auront besoin de plus de soutien et de conseils de la part des ONG qui les emploient car ils sont plus à risque d’anxiété, de dépression et de burnout au retour de leur mission. L’exposition à un travail quotidien difficile créant un stress chronique augmentait le risque de dépression. Ceux qui ont vécu une expérience traumatisante avant la mission, ou qui ont été victimes de violence domestique sont également plus à risque de burnout. En revanche, ceux qui possèdent un réseau social développé ont moins tendance à souffrir au retour de troubles psychologiques. Toutefois, le mariage ne protège pas : ce sont les célibataires qui sont dans ce cas moins à risque, tout comme ceux dont la motivation pour ce travail était très élevée avant le départ en mission.

Le bien être des travailleurs humanitaires peut être camouflé par les besoins des populations qu’ils servent : «Il est difficile d’obtenir des ONG qu’elles s’occupent de la santé mentale de leurs employés» explique le Dr. Ager ; “la dépression, l’anxiété, le burnout sont trop souvent considérés comme des réponses inappropriées à une expérience d’injustice globale. Nous voulons qu’ils sachent que le travail qu’ils font a une valeur immense, qu’il est nécessaire et que les situations sont difficiles mais qu’en aucun cas, cela signifie qu’ils doivent en souffrir ». Les auteurs font donc plusieurs recommandations aux ONG : d’abord rechercher parmi les candidats ceux qui aurait des antécédents psychologiques, et alerter ces volontaires des risques encourus. Les ONG doivent apporter un soutien psychologique pendant et après le déploiement sur le terrain à leurs employés.

Les meilleures conditions de vie possibles doivent être favorisées et les ONG se doivent d’être supportives et savoir exprimer leur reconnaissance, encourager et faciliter les rapports sociaux.
Source : http://www.docbuzz.fr/2012/10/17/123-la-detresse-psychologique-des-travailleurs-de-lhumanitaire/